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CHAPITRE XI
X. - LOI DE JUSTICE, D'AMOUR ET DE CHARITE

1. Justice et droits naturels. - 2. Droit de propriété. Vol.


3. Charité et amour du prochain. - 4. Amour maternel et filial.

Justice et droits naturels.

873. Le sentiment de la justice est-il dans la nature, ou le résultat d'idées acquises ?
« Il est tellement dans la nature que vous vous révoltez à la pensée d'une injustice. Le progrès moral développe sans doute ce sentiment, mais il ne le donne pas : Dieu l'a mis dans le coeur de l'homme ; voilà pourquoi vous trouvez souvent chez des hommes simples et primitifs des notions plus exactes de la justice que chez ceux qui ont beaucoup de savoir. »

874. Si la justice est une loi de nature, comment se fait-il que les hommes l'entendent d'une manière si différente, et que l'un trouve juste ce qui paraît injuste à l'autre ?

« C'est qu'il s'y mêle souvent des passions qui altèrent ce sentiment, comme la plupart des autres sentiments naturels, et font voir les choses sous un faux point de vue. »

875. Comment peut-on définir la justice ?

« La justice consiste dans le respect des droits de chacun. »

- Qu'est-ce qui détermine ces droits ?

« Ils le sont par deux choses : la loi humaine et la loi naturelle. Les hommes ayant fait des lois appropriées à leurs moeurs et à leur caractère, ces lois ont établi des droits qui ont pu varier avec le progrès des lumières. Voyez si vos lois d'aujourd'hui, sans être parfaites, consacrent les mêmes droits qu'au moyen âge ; ces droits surannés, qui vous paraissent monstrueux, semblaient justes et naturels à cette époque. Le droit établi par les hommes n'est donc pas toujours conforme à la justice ; il ne règle d'ailleurs que certains rapports sociaux, tandis que, dans la vie privée, il est une foule d'actes qui sont uniquement du ressort du tribunal de la conscience. »

876. En dehors du droit consacré par la loi humaine, quelle est la base de la justice fondée sur la loi naturelle ?

« Le Christ vous l'a dit : Vouloir pour les autres ce que vous voudriez pour vous-même. Dieu a mis dans le coeur de l'homme la règle de toute véritable justice, par le désir de chacun de voir respecter ses droits. Dans l'incertitude de ce qu'il doit faire à l'égard de son semblable dans une circonstance donnée, que l'homme se demande comment il voudrait qu'on en usât envers lui en pareille circonstance : Dieu ne pouvait lui donner un guide plus sûr que sa propre conscience. »

Le critérium de la véritable justice est, en effet, de vouloir pour les autres ce qu'on voudrait pour soi-même, et non de vouloir pour soi ce qu'on voudrait pour les autres, ce qui n'est pas du tout la même chose. Comme il n'est pas naturel de se vouloir du mal, en prenant son désir personnel pour type ou point de départ, on est certain de ne jamais vouloir que du bien pour son prochain. De tout temps, et dans toutes les croyances, l'homme a toujours cherché à faire prévaloir son droit personnel ; le sublime de la religion chrétienne a été de prendre le droit personnel pour base du droit du prochain.

877. La nécessité pour l'homme de vivre en société entraîne-t-elle pour lui des obligations particulières ?

« Oui, et la première de toutes est de respecter les droits de ses semblables ; celui qui respectera ces droits sera toujours juste. Dans votre monde où tant d'hommes ne pratiquent pas la loi de justice, chacun use de représailles, et c'est là ce qui fait le trouble et la confusion de votre société. La vie sociale donne des droits et impose des devoirs réciproques. »

878. L'homme pouvant se faire illusion sur l'étendue de son droit, qu'est-ce qui peut lui en faire connaître la limite ?

« La limite du droit qu'il reconnaît à son semblable envers lui dans la même circonstance et réciproquement. »

- Mais si chacun s'attribue les droits de son semblable, que devient la subordination envers les supérieurs ? N'est-ce pas l'anarchie de tous les pouvoirs ?

« Les droits naturels sont les mêmes pour tous les hommes depuis le plus petit jusqu'au plus grand ; Dieu n'a pas fait les uns d'un limon plus pur que les autres, et tous sont égaux devant lui. Ces droits sont éternels ; ceux que l'homme a établis périssent avec ses institutions. Du reste, chacun sent bien sa force ou sa faiblesse, et saura toujours avoir une sorte de déférence pour celui qui le méritera par sa vertu et sa sagesse. C'est important de mettre cela, afin que ceux qui se croient supérieurs connaissent leurs devoirs pour mériter ces déférences. La subordination ne sera point compromise, quand l'autorité sera donnée à la sagesse. »

879. Quel serait le caractère de l'homme qui pratiquerait la justice dans toute sa pureté ?

« Le vrai juste, à l'exemple de Jésus ; car il pratiquerait aussi l'amour du prochain et la charité, sans lesquels il n'y a pas de véritable justice. »

Droit de propriété. Vol.

880. Quel est le premier de tous les droits naturels de l'homme ?
« C'est de vivre ; c'est pourquoi nul n'a le droit d'attenter à la vie de son semblable, ni de rien faire qui puisse compromettre son existence corporelle. »

881. Le droit de vivre donne-t-il à l'homme le droit d'amasser de quoi vivre pour se reposer quand il ne pourra plus travailler ?

« Oui, mais il doit le faire en famille, comme l'abeille, par un travail honnête, et ne pas amasser comme un égoïste. Certains animaux mêmes lui donnent l'exemple de la prévoyance. »

882. L'homme a-t-il le droit de défendre ce qu'il a amassé par le travail ?

« Dieu n'a-t-il pas dit : Tu ne déroberas point ; et Jésus : Il faut rendre à César ce qui appartient à César ? »

Ce que l'homme amasse par un travail honnête est une propriété légitime qu'il a le droit de défendre, car la propriété qui est le fruit du travail est un droit naturel aussi sacré que celui de travailler et de vivre.

883. Le désir de posséder est-il dans la nature ?

« Oui ; mais quand c'est pour soi seul et pour sa satisfaction personnelle, c'est de l'égoïsme. »

- Cependant le désir de posséder n'est-il pas légitime, puisque celui qui a de quoi vivre n'est à charge à personne ?

« Il y a des hommes insatiables et qui accumulent sans profit pour personne, ou pour assouvir leurs passions. Crois-tu que cela soit bien vu de Dieu ? Celui au contraire qui amasse par son travail, en vue de venir en aide à ses semblables, pratique la loi d'amour et de charité, et son travail est béni de Dieu. »

884. Quel est le caractère de la propriété légitime ?

« Il n'y a de propriété légitime que celle qui a été acquise sans préjudice pour autrui. » (808).

La loi d'amour et de justice défendant de faire à autrui ce que nous ne voudrions pas qu'on nous fît, condamne par cela même tout moyen d'acquérir qui serait contraire à cette loi.

885. Le droit de propriété est-il indéfini ?

« Sans doute, tout ce qui est acquis légitimement est une propriété ; mais, comme nous l'avons dit, la législation des hommes étant imparfaite consacre souvent des droits de convention que la justice naturelle réprouve. C'est pourquoi ils réforment leurs lois à mesure que le progrès s'accomplit et qu'ils comprennent mieux la justice. Ce qui semble parfait dans un siècle semble barbare dans le siècle suivant. » (795).

Charité et amour du prochain.

886. Quel est le véritable sens du mot charité tel que l'entendait Jésus ?
« Bienveillance pour tout le monde, indulgence pour les imperfections d'autrui, pardon des offenses. »

L'amour et la charité sont le complément de la loi de justice, car aimer son prochain, c'est lui faire tout le bien qui est en notre pouvoir et que nous voudrions qui nous fût fait à nous-mêmes. Tel est le sens des paroles de Jésus : Aimez-vous les uns les autres comme des frères.

La charité, selon Jésus, n'est pas restreinte à l'aumône ; elle embrasse tous les rapports que nous avons avec nos semblables, qu'ils soient nos inférieurs, nos égaux ou nos supérieurs. Elle nous commande l'indulgence, parce que nous en avons besoin nous-mêmes ; elle nous défend d'humilier l'infortune, contrairement à ce qui se pratique trop souvent. Qu'une personne riche se présente, on a pour elle mille égards, mille prévenances ; si elle est pauvre, on semble n'avoir pas besoin de se gêner avec elle. Plus sa position est à plaindre, plus on doit craindre au contraire d'ajouter à son malheur par l'humiliation. L'homme vraiment bon cherche à relever l'inférieur à ses propres yeux, en diminuant la distance.

887. Jésus a dit aussi : Aimez même vos ennemis. Or, l'amour pour nos ennemis n'est-il pas contraire à nos tendances naturelles, et l'inimitié ne provient-elle pas du défaut de sympathie entre les Esprits ?

« Sans doute on ne peut pas avoir pour ses ennemis un amour tendre et passionné ; ce n'est pas ce qu'il a voulu dire ; aimer ses ennemis, c'est leur pardonner et leur rendre le bien pour le mal ; par là on leur devient supérieur ; par la vengeance on se place au-dessous d'eux. »

888. Que penser de l'aumône ?

« L'homme réduit à demander l'aumône se dégrade au moral et au physique : il s'abrutit. Dans une société basée sur la loi de Dieu et la justice, il doit être pourvu à la vie du faible sans humiliation pour lui. Elle doit assurer l'existence de ceux qui ne peuvent travailler, sans laisser leur vie à la merci du hasard et de la bonne volonté. »

- Est-ce que vous blâmez l'aumône ?

« Non ; ce n'est pas l'aumône qui est blâmable, c'est souvent la manière dont elle est faite. L'homme de bien qui comprend la charité selon Jésus va au-devant du malheureux sans attendre qu'il lui tende la main.

La vraie charité est toujours bonne et bienveillante ; elle est autant dans la manière que dans le fait. Un service rendu avec délicatesse double de prix ; s'il l'est avec hauteur, le besoin peut le faire accepter, mais le coeur en est peu touché.

Souvenez-vous aussi que l'ostentation enlève aux yeux de Dieu le mérite du bienfait. Jésus a dit : Que votre main gauche ignore ce que donne votre main droite ; il vous apprend par là à ne point ternir la charité par l'orgueil.

Il faut distinguer l'aumône proprement dite de la bienfaisance. Le plus nécessiteux n'est pas toujours celui qui demande ; la crainte d'une humiliation retient le vrai pauvre, et souvent il souffre sans se plaindre ; c'est celui-là que l'homme vraiment humain sait aller chercher sans ostentation.

Aimez-vous les uns les autres, c'est toute la loi, loi divine par laquelle Dieu gouverne les mondes. L'amour est la loi d'attraction pour les êtres vivants et organisés ; l'attraction est la loi d'amour pour la matière inorganique.

N'oubliez jamais que l'Esprit, quel que soit son degré d'avancement, sa situation comme réincarnation ou erraticité, est toujours placé entre un supérieur qui le guide et le perfectionne, et un inférieur vis-à-vis duquel il a les mêmes devoirs à remplir. Soyez donc charitables, non seulement de cette charité qui vous porte à tirer de votre bourse l'obole que vous donnez froidement à celui qui ose vous la demander, mais allez au-devant des misères cachées. Soyez indulgents pour les travers de vos semblables ; au lieu de mépriser l'ignorance et le vice, instruisez-les et moralisez-les ; soyez doux et bienveillants pour tout ce qui vous est inférieur ; soyez le même à l'égard des êtres les plus infimes de la création, et vous aurez obéi à la loi de Dieu. »

SAINT VINCENT DE PAUL.
889. N'y a-t-il pas des hommes réduits à la mendicité par leur faute ?

« Sans doute, mais si une bonne éducation morale leur eût appris à pratiquer la loi de Dieu, ils ne tomberaient pas dans les excès qui causent leur perte ; c'est de là surtout que dépend l'amélioration de votre globe. » (707).

Amour maternel et filial.

890. L'amour maternel est-il une vertu ou un sentiment instinctif commun aux hommes et aux animaux ?
« C'est l'un et l'autre. La nature a donné à la mère l'amour de ses enfants dans l'intérêt de leur conservation ; mais chez l'animal cet amour est limité aux besoins matériels : il cesse quand les soins deviennent inutiles ; chez l'homme il persiste toute la vie, et comporte un dévouement et une abnégation qui sont de la vertu ; il survit même à la mort, et suit l'enfant au-delà du tombeau ; vous voyez bien qu'il y a en lui autre chose que chez l'animal. » (205-385).

891. Puisque l'amour maternel est dans la nature, pourquoi y a-t-il des mères qui haïssent leurs enfants, et cela souvent dès leur naissance ?

« C'est quelquefois une épreuve choisie par l'Esprit de l'enfant, ou une expiation si lui-même a été mauvais père, ou mauvaise mère, ou mauvais fils, dans une autre existence (392). Dans tous les cas, la mauvaise mère ne peut être animée que par un mauvais Esprit qui tâche d'entraver celui de l'enfant afin qu'il succombe sous l'épreuve qu'il a voulue ; mais cette violation des lois de la nature ne sera pas impunie, et l'Esprit de l'enfant sera récompensé des obstacles qu'il aura surmontés. »

892. Lorsque des parents ont des enfants qui leur causent des chagrins, ne sont-ils pas excusables de n'avoir pas pour eux la tendresse qu'ils auraient eue dans le cas contraire ?

« Non, car c'est une charge qui leur est confiée, et leur mission est de faire tous leurs efforts pour les ramener au bien (582-583). Mais ces chagrins sont souvent la suite du mauvais pli qu'ils leur ont laissé prendre dès le berceau ; ils récoltent alors ce qu'ils ont semé. »

CHAPITRE XII  
PERFECTION MORALE

1. Les vertus et les vices. - 2. Des passions. - 3. De l'égoïsme.


4. Caractères de l'homme de bien - 5. Connaissance de soi-même.

Les vertus et les vices.

893. Quelle est la plus méritoire de toutes les vertus ?
« Toutes les vertus ont leur mérite, parce que toutes sont des signes de progrès dans la voie du bien. Il y a vertu toutes les fois qu'il y a résistance volontaire à l'entraînement des mauvais penchants ; mais le sublime de la vertu consiste dans le sacrifice de l'intérêt personnel pour le bien de son prochain sans arrière-pensée ; la plus méritoire est celle qui est fondée sur la charité la plus désintéressée. »

894. Il y a des gens qui font le bien par un mouvement spontané, sans qu'ils aient à vaincre aucun sentiment contraire ; ont-ils autant de mérite que ceux qui ont à lutter contre leur propre nature et qui la surmontent ?

« Ceux qui n'ont point à lutter, c'est que chez eux le progrès est accompli : ils ont lutté jadis et ils ont triomphé ; c'est pourquoi les bons sentiments ne leur coûtent aucun effort, et leurs actions leur paraissent toutes simples : le bien est devenu pour eux une habitude. On doit donc les honorer comme de vieux guerriers qui ont conquis leurs grades.

Comme vous êtes encore loin de la perfection, ces exemples vous étonnent par le contraste, et vous les admirez d'autant plus qu'ils sont plus rares ; mais sachez bien que dans les mondes plus avancés que le vôtre, ce qui chez vous est une exception est la règle. Le sentiment du bien y est partout spontané, parce qu'ils ne sont habités que par de bons Esprits, et une seule mauvaise intention y serait une exception monstrueuse. Voilà pourquoi les hommes y sont heureux ; il en sera ainsi sur la terre quand l'humanité se sera transformée, et quand elle comprendra et pratiquera la charité dans sa véritable acception. »

895. A part les défauts et les vices sur lesquels personne ne saurait se méprendre, quel est le signe le plus caractéristique de l'imperfection ?

« C'est l'intérêt personnel. Les qualités morales sont souvent comme la dorure mise sur un objet de cuivre et qui ne résiste pas à la pierre de touche. Un homme peut posséder des qualités réelles qui en font, pour tout le monde, un homme de bien ; mais ces qualités, quoiqu'elles soient un progrès, ne supportent pas toujours certaines épreuves, et il suffit quelquefois de toucher à la corde de l'intérêt personnel pour mettre le fond à découvert. Le véritable désintéressement est même chose si rare sur la terre, qu'on l'admire comme un phénomène quand il se présente.

L'attachement aux choses matérielles est un signe notoire d'infériorité, parce que plus l'homme tient aux biens de ce monde, moins il comprend sa destinée ; par le désintéressement, au contraire, il prouve qu'il voit l'avenir d'un point plus élevé. »

896. Il y a des gens désintéressés sans discernement, qui prodiguent leur avoir sans profit réel, faute d'en faire un emploi raisonné ; ont-ils un mérite quelconque ?

« Ils ont le mérite du désintéressement, mais ils n'ont pas celui du bien qu'ils pourraient faire. Si le désintéressement est une vertu, la prodigalité irréfléchie est toujours au moins un manque de jugement. La fortune n'est pas plus donnée à quelques-uns pour être jetée au vent, qu'à d'autres pour être enterrée dans un coffre-fort ; c'est un dépôt dont ils auront à rendre compte, car ils auront à répondre de tout le bien qu'il était en leur pouvoir de faire, et qu'ils n'auront pas fait ; de toutes les larmes qu'ils auraient pu sécher avec l'argent qu'ils ont donné à ceux qui n'en avaient pas besoin. »

897. Celui qui fait le bien, non en vue d'une récompense sur la terre, mais dans l'espoir qu'il lui en sera tenu compte dans l'autre vie, et que sa position y sera d'autant meilleure, est-il répréhensible, et cette pensée lui nuit-elle pour son avancement ?

« Il faut faire le bien par charité, c'est-à-dire avec désintéressement. »

- Cependant chacun a le désir bien naturel de s'avancer pour sortir de l'état pénible de cette vie ; les Esprits eux-mêmes nous enseignent à pratiquer le bien dans ce but ; est-ce donc un mal de penser qu'en faisant le bien on peut espérer mieux que sur la terre ?

« Non, certainement ; mais celui qui fait le bien sans arrière-pensée, et pour le seul plaisir d'être agréable à Dieu et à son prochain souffrant, est déjà à un certain degré d'avancement qui lui permettra d'arriver beaucoup plus tôt au bonheur que son frère qui, plus positif, fait le bien par raisonnement, et n'y est pas poussé par la chaleur naturelle de son coeur. » (894).

- N'y a-t-il pas ici une distinction à faire entre le bien que l'on peut faire à son prochain et le soin que l'on met à se corriger de ses défauts ? Nous concevons que faire le bien avec la pensée qu'il en sera tenu compte dans l'autre vie est peu méritoire ; mais s'amender, vaincre ses passions, corriger son caractère en vue de se rapprocher des bons Esprits et de s'élever, est-ce également un signe d'infériorité ?

« Non, non ; par faire le bien, nous voulons dire être charitable. Celui qui calcule ce que chaque bonne action peut lui rapporter dans la vie future, aussi bien que dans la vie terrestre, agit en égoïste ; mais il n'y a aucun égoïsme à s'améliorer en vue de se rapprocher de Dieu, puisque c'est le but auquel chacun doit tendre. »

898. Puisque la vie corporelle n'est qu'un séjour temporaire ici-bas, et que notre avenir doit être notre principale préoccupation, est-il utile de s'efforcer d'acquérir des connaissances scientifiques qui ne touchent qu'aux choses et aux besoins matériels ?

« Sans doute ; d'abord cela vous met à même de soulager vos frères ; puis, votre Esprit montera plus vite s'il a déjà progressé en intelligence ; dans l'intervalle des incarnations, vous apprendrez en une heure ce qui vous demanderait des années sur votre terre. Aucune connaissance n'est inutile ; toutes contribuent plus ou moins à l'avancement, parce que l'Esprit parfait doit tout savoir, et que le progrès devant s'accomplir en tous sens, toutes les idées acquises aident au développement de l'Esprit. »

899. De deux hommes riches, l'un est né dans l'opulence et n'a jamais connu le besoin ; l'autre doit sa fortune à son travail ; tous les deux l'emploient exclusivement à leur satisfaction personnelle ; quel est le plus coupable ?

« Celui qui a connu les souffrances ; il sait ce que c'est de souffrir ; il connaît la douleur qu'il ne soulage pas, mais trop souvent pour lui il ne s'en souvient plus. »

900. Celui qui accumule sans cesse et sans faire de bien à personne, trouve-t-il une excuse valable dans la pensée qu'il amasse pour laisser davantage à ses héritiers ?

« C'est un compromis avec la mauvaise conscience. »

901. De deux avares, le premier se refuse le nécessaire et meurt de besoin sur son trésor ; le second n'est avare que pour les autres : il est prodigue pour lui-même ; tandis qu'il recule devant le plus léger sacrifice pour rendre service ou faire une chose utile, rien ne lui coûte pour satisfaire ses goûts et ses passions. Lui demande-t-on un service, il est toujours gêné ; veut-il se passer une fantaisie, il a toujours assez. Quel est le plus coupable, et quel est celui qui aura la plus mauvaise place dans le monde des Esprits ?

« Celui qui jouit : il est plus égoïste qu'avare ; l'autre a déjà trouvé une partie de sa punition. »

902. Est-on répréhensible d'envier la richesse, quand c'est par le désir de faire le bien ?

« Le sentiment est louable, sans doute, quand il est pur ; mais ce désir est-il toujours bien désintéressé et ne cache-t-il aucune arrière-pensée personnelle ? La première personne à qui l'on souhaite faire du bien, n'est-ce pas souvent soi-même ? »

903. Est-on coupable d'étudier les défauts des autres ?

« Si c'est pour les critiquer et les divulguer on est très coupable, car c'est manquer de charité ; si c'est pour en faire son profit personnel et les éviter soi-même, cela peut quelquefois être utile ; mais il ne faut pas oublier que l'indulgence pour les défauts d'autrui est une des vertus comprises dans la charité. Avant de faire aux autres un reproche de leurs imperfections, voyez si l'on ne peut dire de vous la même chose. Tâchez donc d'avoir les qualités opposées aux défauts que vous critiquez dans autrui, c'est le moyen de vous rendre supérieur ; lui reprochez-vous d'être avare, soyez généreux ; d'être orgueilleux, soyez humble et modeste ; d'être dur, soyez doux ; d'agir avec petitesse, soyez grand dans toutes vos actions ; en un mot, faites en sorte qu'on ne puisse vous appliquer cette parole de Jésus : Il voit une paille dans l'oeil de son voisin, et ne voit pas une poutre dans le sien. »

904. Est-on coupable de sonder les plaies de la société et de les dévoiler ?

« Cela dépend du sentiment qui porte à le faire ; si l'écrivain n'a en vue que de produire du scandale, c'est une jouissance personnelle qu'il se procure en présentant des tableaux qui sont souvent plutôt un mauvais qu'un bon exemple. L'Esprit apprécie, mais il peut être puni de cette sorte de plaisir qu'il prend à révéler le mal. »

- Comment, dans ce cas, juger de la pureté des intentions et de la sincérité de l'écrivain ?

« Cela n'est pas toujours utile ; s'il écrit de bonnes choses, faites-en votre profit ; s'il fait mal, c'est une question de conscience qui le regarde. Du reste, s'il tient à prouver sa sincérité, c'est à lui d'appuyer le précepte par son propre exemple. »

905. Certains auteurs ont publié des oeuvres très belles et très morales qui aident au progrès de l'humanité, mais dont eux-mêmes n'ont guère profité ; leur est-il tenu compte, comme Esprits, du bien qu'ont fait leurs oeuvres ?

« La morale sans les actions, c'est la semence sans le travail. Que vous sert la semence si vous ne la faites pas fructifier pour vous nourrir ? Ces hommes sont plus coupables, parce qu'ils avaient l'intelligence pour comprendre ; en ne pratiquant pas les maximes qu'ils donnaient aux autres, ils ont renoncé à en cueillir les fruits. »

906. Celui qui fait bien est-il répréhensible d'en avoir conscience, et de se l'avouer à lui-même ?

« Puisqu'il peut avoir la conscience du mal qu'il fait, il doit avoir aussi celle du bien, afin de savoir s'il agit bien ou mal. C'est en pesant toutes ses actions dans la balance de la loi de Dieu, et surtout dans celle de la loi de justice, d'amour et de charité, qu'il pourra se dire si elles sont bonnes ou mauvaises, les approuver ou les désapprouver. Il ne peut donc être répréhensible de reconnaître qu'il a triomphé des mauvaises tendances, et d'en être satisfait, pourvu qu'il n'en tire pas vanité, car alors il tomberait dans un autre travers. » (919).

Des passions.

907. Puisque le principe des passions est dans la nature, est-il mauvais en lui-même ?
« Non ; la passion est dans l'excès joint à la volonté, car le principe a été donné à l'homme pour le bien, et elles peuvent le porter à de grandes choses ; c'est l'abus qu'il en fait qui cause le mal. »

908. Comment définir la limite où les passions cessent d'être bonnes ou mauvaises ?

« Les passions sont comme un cheval qui est utile quand il est maîtrisé, et qui est dangereux quand c'est lui qui maîtrise. Reconnaissez donc qu'une passion devient pernicieuse du moment que vous cessez de pouvoir la gouverner et qu'elle a pour résultat un préjudice quelconque pour vous ou pour autrui. »

Les passions sont des leviers qui décuplent les forces de l'homme et l'aident à l'accomplissement des vues de la Providence ; mais si, au lieu de les diriger, l'homme se laisse diriger par elles, il tombe dans les excès, et la force même qui, dans sa main, pouvait faire le bien, retombe sur lui et l'écrase.

Toutes les passions ont leur principe dans un sentiment ou besoin de nature. Le principe des passions n'est donc point un mal, puisqu'il repose sur une des conditions providentielles de notre existence. La passion, proprement dite, est l'exagération d'un besoin ou d'un sentiment ; elle est dans l'excès et non dans la cause ; et cet excès devient un mal quand il a pour conséquence un mal quelconque.

Toute passion qui rapproche l'homme de la nature animale l'éloigne de la nature spirituelle.

Tout sentiment qui élève l'homme au-dessus de la nature animale annonce la prédominance de l'Esprit sur la matière et le rapproche de la perfection.

909. L'homme pourrait-il toujours vaincre ses mauvais penchants par ses efforts ?

« Oui, et quelquefois par de faibles efforts ; c'est la volonté qui lui manque. Hélas ! combien peu de vous font des efforts ! »

910. L'homme peut-il trouver dans les Esprits une assistance efficace pour surmonter ses passions ?

« S'il prie Dieu et son bon génie avec sincérité, les bons Esprits lui viendront certainement en aide, car c'est leur mission. » (459).

911. N'y a-t-il pas des passions tellement vives et irrésistibles que la volonté est impuissante pour les surmonter ?

« Il y a beaucoup de personnes qui disent : Je veux, mais la volonté n'est que sur les lèvres ; elles veulent, et elles sont bien aises que cela ne soit pas. Quand on croit ne pas pouvoir vaincre ses passions, c'est que l'Esprit s'y complaît par suite de son infériorité. Celui qui cherche à les réprimer comprend sa nature spirituelle ; les vaincre est pour lui un triomphe de l'Esprit sur la matière. »

912. Quel est le moyen le plus efficace de combattre la prédominance de la nature corporelle ?

« Faire abnégation de soi-même. »

De l'égoïsme.

913. Parmi les vices, quel est celui qu'on peut regarder comme radical ?
« Nous l'avons dit bien des fois, c'est l'égoïsme : de là dérive tout le mal. Etudiez tous les vices, et vous verrez qu'au fond de tous il y a de l'égoïsme ; vous aurez beau les combattre, vous ne parviendrez pas à les extirper tant que vous n'aurez pas attaqué le mal dans sa racine, tant que vous n'aurez pas détruit la cause. Que tous vos efforts tendent donc vers ce but, car là est la véritable plaie de la société. Quiconque veut approcher, dès cette vie, de la perfection morale, doit extirper de son coeur tout sentiment d'égoïsme, car l'égoïsme est incompatible avec la justice, l'amour et la charité : il neutralise toutes les autres qualités. »

914. L'égoïsme étant fondé sur le sentiment de l'intérêt personnel, il paraît bien difficile de l'extirper entièrement du coeur de l'homme ; y parviendra-t-on ?

« A mesure que les hommes s'éclairent sur les choses spirituelles, ils attachent moins de prix aux choses matérielles ; et puis il faut réformer les institutions humaines qui l'entretiennent et l'excitent. Cela dépend de l'éducation. »

915. L'égoïsme étant inhérent à l'espèce humaine, ne sera-t-il pas toujours un obstacle au règne du bien absolu sur la terre ?

« Il est certain que l'égoïsme est votre plus grand mal, mais il tient à l'infériorité des Esprits incarnés sur la terre, et non à l'humanité en elle-même ; or les Esprits, en s'épurant par des incarnations successives, perdent l'égoïsme comme ils perdent leurs autres impuretés. N'avez-vous sur la terre aucun homme dépourvu d'égoïsme et pratiquant la charité ? Il y en a plus que vous ne croyez, mais vous les connaissez peu, parce que la vertu ne cherche pas l'éclat du grand jour ; s'il y en a un, pourquoi n'y en aurait-il pas dix ; s'il y en a dix, pourquoi n'y en aurait-il pas mille, et ainsi de suite ? »

916. L'égoïsme, loin de diminuer, croît avec la civilisation qui semble l'exciter et l'entretenir ; comment la cause pourra-t-elle détruire l'effet ?

« Plus le mal est grand, plus il devient hideux ; il fallait que l'égoïsme fît beaucoup de mal pour faire comprendre la nécessité de l'extirper. Lorsque les hommes auront dépouillé l'égoïsme qui les domine, ils vivront comme des frères, ne se faisant point de mal, s'entraidant réciproquement par le sentiment mutuel de la solidarité ; alors le fort sera l'appui et non l'oppresseur du faible, et l'on ne verra plus d'hommes manquer du nécessaire, parce que tous pratiqueront la loi de justice. C'est le règne du bien que sont chargés de préparer les Esprits. » (784).

917. Quel est le moyen de détruire l'égoïsme ?

« De toutes les imperfections humaines, la plus difficile à déraciner c'est l'égoïsme, parce qu'il tient à l'influence de la matière dont l'homme, encore trop voisin de son origine, n'a pu s'affranchir, et cette influence, tout concourt à l'entretenir : ses lois, son organisation sociale, son éducation. L'égoïsme s'affaiblira avec la prédominance de la vie morale sur la vie matérielle, et surtout avec l'intelligence que le spiritisme vous donne de votre état futur réel, et non dénaturé par les fictions allégoriques ; le spiritisme bien compris, lorsqu'il se sera identifié avec les moeurs et les croyances, transformera les habitudes, les usages, les relations sociales. L'égoïsme est fondé sur l'importance de la personnalité ; or le spiritisme bien compris, je le répète, fait voir les choses de si haut que le sentiment de la personnalité disparaît en quelque sorte devant l'immensité. En détruisant cette importance, ou tout au moins en la faisant voir pour ce qu'elle est, il combat nécessairement l'égoïsme.

C'est le froissement que l'homme éprouve de l'égoïsme des autres qui le rend souvent égoïste lui-même, parce qu'il sent le besoin de se tenir sur la défensive. En voyant que les autres pensent à eux et non à lui, il est conduit à s'occuper de lui plus que des autres. Que le principe de la charité et de la fraternité soit la base des institutions sociales, des rapports légaux de peuple à peuple et d'homme à homme, et l'homme songera moins à sa personne quand il verra que d'autres y ont songé ; il subira l'influence moralisatrice de l'exemple et du contact. En présence de ce débordement d'égoïsme, il faut une véritable vertu pour faire abnégation de sa personnalité au profit des autres qui souvent n'en savent aucun gré ; c'est à ceux surtout qui possèdent cette vertu que le royaume des cieux est ouvert ; à eux surtout est réservé le bonheur des élus, car je vous dis en vérité, qu'au jour de la justice, quiconque n'aura pensé qu'à soi sera mis de côté, et souffrira de son délaissement. » (785).

FENELON.
On fait sans doute de louables efforts pour faire avancer l'humanité ; on encourage, on stimule, on honore les bons sentiments plus qu'à aucune autre époque, et pourtant le ver rongeur de l'égoïsme est toujours la plaie sociale. C'est un mal réel qui rejaillit sur tout le monde, dont chacun est plus ou moins victime ; il faut donc le combattre comme on combat une maladie épidemique. Pour cela, il faut procéder à la manière des médecins : remonter à la source. Qu'on recherche donc dans toutes les parties de l'organisation sociale, depuis la famille jusqu'aux peuples, depuis la chaumière jusqu'au palais, toutes les causes, toutes les influences patentes ou cachées, qui excitent, entretiennent et développent le sentiment de l'égoïsme ; une fois les causes connues, le remède se présentera de lui-même ; il ne s'agira plus que de les combattre, sinon toutes à la fois, au moins partiellement, et peu à peu le venin sera extirpé. La guérison pourra être longue, car les causes sont nombreuses, mais elle n'est pas impossible. On n'y parviendra, du reste, qu'en prenant le mal dans sa racine, c'est-à-dire par l'éducation ; non cette éducation qui tend à faire des hommes instruits, mais celle qui tend à faire des hommes de bien. L'éducation, si elle est bien entendue, est la clef du progrès moral ; quand on connaîtra l'art de manier les caractères comme on connaît celui de manier les intelligences, on pourra les redresser comme on redresse de jeunes plantes ; mais cet art demande beaucoup de tact, beaucoup d'expérience, et une profonde observation ; c'est une grave erreur de croire qu'il suffise d'avoir de la science pour l'exercer avec fruit. Quiconque suit l'enfant du riche aussi bien que celui du pauvre depuis l'instant de sa naissance, et observe toutes les influences pernicieuses qui réagissent sur lui par suite de la faiblesse, de l'incurie et de l'ignorance de ceux qui le dirigent, combien souvent les moyens que l'on emploie pour le moraliser portent à faux, ne peut s'étonner de rencontrer dans le monde tant de travers. Que l'on fasse pour le moral autant que l'on fait pour l'intelligence et l'on verra que, s'il est des natures réfractaires, il y en a plus qu'on ne le croit qui ne demandent qu'une bonne culture pour rapporter de bons fruits. (872).

L'homme veut être heureux, ce sentiment est dans la nature ; c'est pourquoi il travaille sans cesse à améliorer sa position sur la terre ; il cherche les causes de ses maux afin d'y remédier. Quand il comprendra bien que l'égoïsme est une de ces causes, celle qui engendre l'orgueil, l'ambition, la cupidité, l'envie, la haine, la jalousie, dont il est à chaque instant froissé, qui porte le trouble dans toutes les relations sociales, provoque les dissensions, détruit la confiance, oblige à se tenir constamment sur la défensive avec son voisin, celle enfin qui de l'ami fait un ennemi, alors il comprendra aussi que ce vice est incompatible avec sa propre félicité ; nous ajoutons même avec sa propre sécurité ; plus il en aura souffert, plus il sentira la nécessité de le combattre, comme il combat la peste, les animaux nuisibles et tous les autres fléaux ; il y sera sollicité par son propre intérêt. (784).

L'égoïsme est la source de tous les vices, comme la charité est la source de toutes les vertus ; détruire l'un, développer l'autre, tel doit être le but de tous les efforts de l'homme s'il veut assurer son bonheur ici-bas aussi bien que dans l'avenir.

Caractères de l'homme de bien.

918. A quels signes peut-on reconnaître chez un homme le progrès réel qui doit élever son Esprit dans la hiérarchie spirite ?
« L'Esprit prouve son élévation lorsque tous les actes de sa vie corporelle sont la pratique de la loi de Dieu et lorsqu'il comprend par anticipation la vie spirituelle. »

Le véritable homme de bien est celui qui pratique la loi de justice, d'amour et de charité dans sa plus grande pureté. S'il interroge sa conscience sur les actes accomplis, il se demandera s'il n'a point violé cette loi ; s'il n'a point fait de mal ; s'il a fait tout le bien qu'il a pu ; si nul n'a eu à se plaindre de lui, enfin s'il a fait à autrui tout ce qu'il eût voulu qu'on fît pour lui.

L'homme pénétré du sentiment de charité et d'amour du prochain fait le bien pour le bien, sans espoir de retour, et sacrifie son intérêt à la justice.

Il est bon, humain et bienveillant pour tout le monde, parce qu'il voit des frères dans tous les hommes sans exception de races ni de croyances.

Si Dieu lui a donné la puissance et la richesse, il regarde ces choses comme UN DEPOT dont il doit faire usage pour le bien ; il n'en tire pas vanité, car il sait que Dieu qui les lui a données peut les lui retirer.

Si l'ordre social a placé des hommes sous sa dépendance, il les traite avec bonté et bienveillance, parce qu'ils sont ses égaux devant Dieu ; il use de son autorité pour relever leur moral, et non pour les écraser par son orgueil.

Il est indulgent pour les faiblesses d'autrui, parce qu'il sait que lui-même a besoin d'indulgence et se rappelle cette parole du Christ : Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre.

Il n'est point vindicatif : à l'exemple de Jésus il pardonne les offenses pour ne se souvenir que des bienfaits, car il sait qu'il lui sera pardonné comme il aura pardonné lui-même.

Il respecte enfin dans ses semblables tous les droits que donnent les lois de la nature, comme il voudrait qu'on les respectât envers lui.

Connaissance de soi-même.

919. Quel est le moyen pratique le plus efficace pour s'améliorer en cette vie et résister à l'entraînement du mal ?
« Un sage de l'antiquité vous l'a dit : Connais-toi toi-même. »

- Nous concevons toute la sagesse de cette maxime, mais la difficulté est précisément de se connaître soi-même ; quel est le moyen d'y parvenir ?

« Faites ce que je faisais moi-même de mon vivant sur la terre : à la fin de la journée, j'interrogeais ma conscience, je passais en revue ce que j'avais fait et me demandais si je n'avais pas manqué à quelque devoir ; si personne n'avait eu à se plaindre de moi. C'est ainsi que j'étais parvenu à me connaître et à voir ce qu'il y avait à réformer en moi. Celui qui, chaque soir, rappellerait toutes ses actions de la journée et se demanderait ce qu'il a fait de bien ou de mal, priant Dieu et son ange gardien de l'éclairer, acquerrait une grande force pour se perfectionner, car croyez-moi, Dieu l'assistera. Posez-vous donc des questions, et demandez-vous ce que vous avez fait et dans quel but vous avez agi en telle circonstance ; si vous avez fait quelque chose que vous blâmeriez de la part d'autrui ; si vous avez fait une action que vous n'oseriez avouer. Demandez-vous encore ceci : S'il plaisait à Dieu de me rappeler en ce moment, aurais-je, en rentrant dans le monde des Esprits où rien n'est caché, à redouter la vue de quelqu'un ? Examinez ce que vous pouvez avoir fait contre Dieu, puis contre votre prochain, et enfin contre vous-même. Les réponses seront un repos pour votre conscience, ou l'indication d'un mal qu'il faut guérir.

La connaissance de soi-même est donc la clef de l'amélioration individuelle ; mais, direz-vous, comment se juger ? N'a-t-on pas l'illusion de l'amour-propre qui amoindrit les fautes et les fait excuser ? L'avare se croit simplement économe et prévoyant ; l'orgueilleux croit n'avoir que de la dignité. Cela n'est que trop vrai, mais vous avez un moyen de contrôle qui ne peut vous tromper. Quand vous êtes indécis sur la valeur d'une de vos actions, demandez-vous comment vous la qualifieriez si elle était le fait d'une autre personne ; si vous la blâmez en autrui, elle ne saurait être plus légitime en vous, car Dieu n'a pas deux mesures pour la justice. Cherchez aussi à savoir ce qu'en pensent les autres, et ne négligez pas l'opinion de vos ennemis, car ceux-là n'ont aucun intérêt à farder la vérité, et souvent Dieu les place à côté de vous comme un miroir pour vous avertir avec plus de franchise que ne le ferait un ami. Que celui qui a la volonté sérieuse de s'améliorer explore donc sa conscience afin d'en arracher les mauvais penchants, comme il arrache les mauvaises herbes de son jardin ; qu'il fasse la balance de sa journée morale, comme le marchand fait celle de ses pertes et bénéfices, et je vous assure que l'une lui rapportera plus que l'autre. S'il peut se dire que sa journée a été bonne, il peut dormir en paix et attendre sans crainte le réveil d'une autre vie.

Posez-vous donc des questions nettes et précises et ne craignez pas de les multiplier : on peut bien donner quelques minutes pour conquérir un bonheur éternel. Ne travaillez-vous pas tous les jours en vue d'amasser de quoi vous donner le repos sur vos vieux jours ? Ce repos n'est-il pas l'objet de tous vos désirs, le but qui vous fait endurer des fatigues et des privations momentanées ? Eh bien ! qu'est-ce que ce repos de quelques jours, troublé par les infirmités du corps, à côté de celui qui attend l'homme de bien ? Cela ne vaut-il pas la peine de faire quelques efforts ? Je sais que beaucoup disent que le présent est positif et l'avenir incertain ; or, voilà précisément la pensée que nous sommes chargés de détruire en vous, car nous voulons vous faire comprendre cet avenir de manière à ce qu'il ne puisse laisser aucun doute dans votre âme ; c'est pourquoi nous avons d'abord appelé votre attention par des phénomènes de nature à frapper vos sens, puis nous vous donnons des instructions que chacun de vous est chargé de répandre. C'est dans ce but que nous avons dicté le Livre des Esprits. »

SAINT AUGUSTIN.
Beaucoup de fautes que nous commettons passent inaperçues pour nous ; si, en effet, suivant le conseil de saint Augustin, nous interrogions plus souvent notre conscience, nous verrions combien de fois nous avons failli sans y penser, faute par nous de scruter la nature et le mobile de nos actes. La forme interrogative a quelque chose de plus précis qu'une maxime que souvent on ne s'applique pas. Elle exige des réponses catégoriques par oui ou par non qui ne laissent pas d'alternative ; ce sont autant d'arguments personnels, et par la somme des réponses on peut supputer la somme du bien et du mal qui est en nous.

LIVRE QUATRIEME  
ESPERANCES ET CONSOLATIONS

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CHAPITRE PREMIER 

PEINES ET JOUISSANCES TERRESTRES

1. Bonheur et malheur relatifs. - 2. Perte des personnes aimées.

3. Déceptions. Affections brisées. - 4. Unions antipathiques.
5. Appréhension de la mort. - 6. Dégoût de la vie. Suicide.

Bonheur et malheur relatifs.

920. L'homme peut-il jouir sur la terre d'un bonheur complet ?
« Non, puisque la vie lui a été donnée comme épreuve ou expiation ; mais il dépend de lui d'adoucir ses maux et d'être aussi heureux qu'on le peut sur la terre. »

921. On conçoit que l'homme sera heureux sur la terre lorsque l'humanité aura été transformée ; mais en attendant, chacun peut-il s'assurer un bonheur relatif ?

« L'homme est le plus souvent l'artisan de son propre malheur. En pratiquant la loi de Dieu, il s'épargne bien des maux et se procure une félicité aussi grande que le comporte son existence grossière. »

L'homme qui est bien pénétré de sa destinée future ne voit dans la vie corporelle qu'une station temporaire. C'est pour lui une halte momentanée dans une mauvaise hôtellerie ; il se console aisément de quelques désagréments passagers d'un voyage qui doit le conduire à une position d'autant meilleure qu'il aura mieux fait d'avance ses préparatifs.

Nous sommes punis dès cette vie de l'infraction aux lois de l'existence corporelle par les maux qui sont la suite de cette infraction et de nos propres excès. Si nous remontons de proche en proche à l'origine de ce que nous appelons nos malheurs terrestres, nous les verrons, pour la plupart, être la suite d'une première déviation du droit chemin. Par cette déviation nous sommes entrés dans une mauvaise voie, et de conséquence en conséquence nous tombons dans le malheur.

922. Le bonheur terrestre est relatif à la position de chacun ; ce qui suffit au bonheur de l'un fait le malheur de l'autre. Y a-t-il cependant une mesure de bonheur commune à tous les hommes ?

« Pour la vie matérielle, c'est la possession du nécessaire ; pour la vie morale : la bonne conscience et la foi en l'avenir. »

923. Ce qui serait du superflu pour l'un ne devient-il pas nécessaire pour d'autres, et réciproquement, suivant la position ?

« Oui, selon vos idées matérielles, vos préjugés, votre ambition et tous vos travers ridicules dont l'avenir fera justice quand vous comprendrez la vérité. Sans doute, celui qui avait cinquante mille livres de revenu et se trouve réduit à dix se croit bien malheureux, parce qu'il ne peut plus faire une aussi grande figure, tenir ce qu'il appelle son rang, avoir des chevaux, des laquais, satisfaire toutes ses passions, etc.. Il croit manquer du nécessaire ; mais franchement le crois-tu bien à plaindre, quand à côté de lui il y en a qui meurent de faim et de froid, et n'ont pas un abri pour reposer leur tête ? Le sage, pour être heureux, regarde au-dessous de lui, et jamais au-dessus, si ce n'est pour élever son âme vers l'infini. » (715).

924. Il est des maux qui sont indépendants de la manière d'agir et qui frappent l'homme le plus juste ; n'a-t-il aucun moyen de s'en préserver ?

« Il doit alors se résigner et les subir sans murmure, s'il veut progresser ; mais il puise toujours une consolation dans sa conscience qui lui donne l'espoir d'un meilleur avenir, s'il fait ce qu'il faut pour l'obtenir. »

925. Pourquoi Dieu favorise-t-il des dons de la fortune certains hommes qui ne semblent pas l'avoir mérité ?

« C'est une faveur aux yeux de ceux qui ne voient que le présent ; mais, sache-le bien, la fortune est une épreuve souvent plus dangereuse que la misère. » (814 et suivants).

926. La civilisation, en créant de nouveaux besoins, n'est-elle pas la source d'afflictions nouvelles ?

« Les maux de ce monde sont en raison des besoins factices que vous créez. Celui qui sait borner ses désirs et voit sans envie ce qui est au-dessus de lui s'épargne bien des mécomptes dans cette vie. Le plus riche est celui qui a le moins de besoins.

Vous enviez les jouissances de ceux qui vous paraissent les heureux du monde ; mais savez-vous ce qui leur est réservé ? S'ils ne jouissent que pour eux, ils sont égoïstes, alors viendra le revers. Plaignez-les plutôt. Dieu permet quelquefois que le méchant prospère, mais son bonheur n'est pas à envier, car il le paiera avec des larmes amères. Si le juste est malheureux, c'est une épreuve dont il lui sera tenu compte s'il la supporte avec courage. Souvenez-vous de ces paroles de Jésus : Heureux ceux qui souffrent, car ils seront consolés. »

927. Le superflu n'est certainement pas indispensable au bonheur, mais il n'en est pas ainsi du nécessaire ; or le malheur de ceux qui sont privés de ce nécessaire n'est-il pas réel ?

« L'homme n'est véritablement malheureux que lorsqu'il souffre du manque de ce qui est nécessaire à la vie et à la santé du corps. Cette privation est peut-être sa faute ; alors il ne doit s'en prendre qu'à lui-même ; si elle est la faute d'autrui, la responsabilité retombe sur celui qui en est la cause. »

928. Par la spécialité des aptitudes naturelles, Dieu indique évidemment notre vocation en ce monde. Beaucoup de maux ne viennent-ils pas de ce que nous ne suivons pas cette vocation ?

« C'est vrai, et ce sont souvent les parents qui, par orgueil ou par avarice, font sortir leurs enfants de la voie tracée par la nature, et par ce déplacement compromettent leur bonheur ; ils en seront responsables. »

- Ainsi vous trouveriez juste que le fils d'un homme haut placé dans le monde fît des sabots, par exemple, s'il avait de l'aptitude pour cet état ?

« Il ne faut pas tomber dans l'absurde, ni rien exagérer : la civilisation a ses nécessités. Pourquoi le fils d'un homme haut placé, comme tu le dis, ferait-il des sabots s'il peut faire autre chose ? Il pourra toujours se rendre utile dans la mesure de ses facultés, si elles ne sont pas appliquées à contre-sens. Ainsi, par exemple, au lieu d'un mauvais avocat, il pourrait peut-être faire un bon mécanicien, etc.. »

Le déplacement des hommes hors de leur sphère intellectuelle est assurément une des causes les plus fréquentes de déception. L'inaptitude pour la carrière embrassée est une source intarissable de revers ; puis, l'amour-propre venant s'y joindre empêche l'homme tombé de chercher une ressource dans une profession plus humble et lui montre le suicide comme remède pour échapper à ce qu'il croit une humiliation. Si une éducation morale l'avait élevé au-dessus des sots préjugés de l'orgueil, il ne serait jamais pris au dépourvu.

929. Il y a des gens qui, étant dénués de toutes ressources, alors même que l'abondance règne autour d'eux, n'ont que la mort en perspective ; quel parti doivent-ils prendre ? Doivent-ils se laisser mourir de faim ?

« On ne doit jamais avoir l'idée de se laisser mourir de faim ; on trouverait toujours moyen de se nourrir, si l'orgueil ne s'interposait entre le besoin et le travail. On dit souvent : Il n'y a point de sot métier ; ce n'est pas l'état qui déshonore ; on le dit pour les autres et non pour soi. »

930. Il est évident que sans les préjugés sociaux par lesquels on se laisse dominer, on trouverait toujours un travail quelconque qui pût aider à vivre, dût-on déroger de sa position ; mais parmi les gens qui n'ont point de préjugés, ou qui les mettent de côté, il en est qui sont dans l'impossibilité de subvenir à leurs besoins, par suite de maladies ou autres causes indépendantes de leur volonté.

« Dans une société organisée selon la loi du Christ, personne ne doit mourir de faim. »

Avec une organisation sociale sage et prévoyante, l'homme ne peut manquer du nécessaire que par sa faute ; mais ses fautes mêmes sont souvent le résultat du milieu où il se trouve placé. Lorsque l'homme pratiquera la loi de Dieu, il aura un ordre social fondé sur la justice et la solidarité, et lui-même aussi sera meilleur. (793).

931. Pourquoi, dans la société, les classes souffrantes sont-elles plus nombreuses que les classes heureuses ?

« Aucune n'est parfaitement heureuse, et ce que l'on croit le bonheur cache souvent de poignants chagrins ; la souffrance est partout. Cependant, pour répondre à ta pensée, je dirai que les classes que tu appelles souffrantes sont plus nombreuses, parce que la terre est un lieu d'expiation. Quand l'homme en aura fait le séjour du bien et des bons Esprits, il n'y sera plus malheureux, et elle sera pour lui le paradis terrestre. »

932. Pourquoi, dans le monde, les méchants l'emportent-ils si souvent en influence sur les bons ?

« C'est par la faiblesse des bons ; les méchants sont intrigants et audacieux, les bons sont timides ; quand ceux-ci le voudront, ils prendront le dessus. »

933. Si l'homme est souvent l'artisan de ses souffrances matérielles, en est-il de même des souffrances morales ?

« Plus encore, car les souffrances matérielles sont quelquefois indépendantes de la volonté ; mais l'orgueil blessé, l'ambition déçue, l'anxiété de l'avarice, l'envie, la jalousie, toutes les passions, en un mot, sont des tortures de l'âme.

L'envie et la jalousie ! Heureux ceux qui ne connaissent pas ces deux vers rongeurs ! Avec l'envie et la jalousie, point de calme, point de repos possible pour celui qui est atteint de ce mal : les objets de sa convoitise, de sa haine, de son dépit se dressent devant lui comme des fantômes qui ne lui laissent aucune trêve et le poursuivent jusque dans son sommeil. L'envieux et le jaloux sont dans un état de fièvre continuelle. Est-ce donc là une situation désirable, et ne comprenez-vous pas qu'avec ses passions, l'homme se crée des supplices volontaires, et que la terre devient pour lui un véritable enfer ? »

Plusieurs expressions peignent énergiquement les effets de certaines passions ; on dit : être bouffi d'orgueil, mourir d'envie, sécher de jalousie ou de dépit, en perdre le boire et le manger, etc. ; ce tableau n'est que trop vrai. Quelquefois même la jalousie n'a pas d'objet déterminé. Il y a des gens jaloux par nature de tout ce qui s'élève, de tout ce qui sort de la ligne vulgaire, alors même qu'ils n'y ont aucun intérêt direct, mais uniquement parce qu'ils n'y peuvent atteindre ; tout ce qui paraît au-dessus de l'horizon les offusque, et s'ils étaient en majorité dans la société, ils voudraient tout ramener à leur niveau. C'est la jalousie jointe à la médiocrité.

L'homme n'est souvent malheureux que par l'importance qu'il attache aux choses d'ici-bas ; c'est la vanité, l'ambition et la cupidité déçues qui font son malheur. S'il se place au-dessus du cercle étroit de la vie matérielle, s'il élève ses pensées vers l'infini qui est sa destinée, les vicissitudes de l'humanité lui semblent alors mesquines et puériles, comme les chagrins de l'enfant qui s'afflige de la perte d'un jouet dont il faisait son bonheur suprême.

Celui qui ne voit de félicité que dans la satisfaction de l'orgueil et des appétits grossiers est malheureux quand il ne peut les satisfaire, tandis que celui qui ne demande rien au superflu est heureux de ce que d'autres regardent comme des calamités.

Nous parlons de l'homme civilisé, car le sauvage ayant des besoins plus bornés n'a pas les mêmes sujets de convoitise et d'angoisses : sa manière de voir les choses est tout autre. Dans l'état de civilisation, l'homme raisonne son malheur et l'analyse ; c'est pourquoi il en est plus affecté ; mais il peut aussi raisonner et analyser les moyens de consolation. Cette consolation, il la puise dans le sentiment chrétien qui lui donne l'espérance d'un avenir meilleur, et dans le spiritisme qui lui donne la certitude de cet avenir.

Perte des personnes aimées.

934. La perte des personnes qui nous sont chères n'est-elle pas une de celles qui nous causent un chagrin d'autant plus légitime que cette perte est irréparable, et qu'elle est indépendante de notre volonté ?
« Cette cause de chagrin atteint le riche comme le pauvre : c'est une épreuve ou expiation, et la loi commune ; mais c'est une consolation de pouvoir communiquer avec vos amis par les moyens que vous avez, en attendant que vous en ayez d'autres plus directs et plus accessibles à vos sens. »

935. Que penser de l'opinion des personnes qui regardent les communications d'outre-tombe comme une profanation ?

« Il ne peut y avoir profanation quand il y a recueillement, et quand l'évocation est faite avec respect et convenance ; ce qui le prouve, c'est que les Esprits qui vous affectionnent viennent avec plaisir ; ils sont heureux de votre souvenir et de s'entretenir avec vous ; il y aurait profanation à le faire avec légèreté. »

La possibilité d'entrer en communication avec les Esprits est une bien douce consolation, puisqu'elle nous procure le moyen de nous entretenir avec nos parents et nos amis qui ont quitté la terre avant nous. Par l'évocation nous les rapprochons de nous, ils sont à nos cotés, nous entendent et nous répondent ; il n'y a pour ainsi dire plus de séparation entre eux et nous. Ils nous aident de leurs conseils, nous témoignent leur affection et le contentement qu'ils éprouvent de notre souvenir. C'est pour nous une satisfaction de les savoir heureux, d'apprendre par eux-mêmes les détails de leur nouvelle existence et d'acquérir la certitude de les rejoindre à notre tour.

936. Comment les douleurs inconsolables des survivants affectent-elles les Esprits qui en sont l'objet ?

« L'Esprit est sensible au souvenir et aux regrets de ceux qu'il a aimés, mais une douleur incessante et déraisonnable l'affecte péniblement, parce qu'il voit, dans cette douleur excessive, un manque de foi en l'avenir et de confiance en Dieu, et par conséquent un obstacle à l'avancement et peut-être à la réunion. »

L'Esprit étant plus heureux que sur terre, regretter pour lui la vie, c'est regretter qu'il soit heureux. Deux amis sont prisonniers et enfermés dans le même cachot ; tous les deux doivent avoir un jour leur liberté, mais l'un d'eux l'obtient avant l'autre. Serait-il charitable à celui qui reste d'être fâché que son ami soit délivré avant lui ? N'y aurait-il pas plus d'égoïsme que d'affection de sa part à vouloir qu'il partage sa captivité et ses souffrances aussi longtemps que lui ? Il en est de même de deux êtres qui s'aiment sur la terre ; celui qui part le premier est le premier délivré, et nous devons l'en féliciter, en attendant avec patience le moment où nous le serons à notre tour.

Nous ferons sur ce sujet une autre comparaison. Vous avez un ami qui, auprès de vous, est dans une situation très pénible ; sa santé ou son intérêt exige qu'il aille dans un autre pays où il sera mieux sous tous les rapports. Il ne sera plus auprès de vous momentanément, mais vous serez toujours en correspondance avec lui : la séparation ne sera que matérielle. Serez-vous fâché de son éloignement, puisque c'est pour son bien ?

La doctrine spirite, par les preuves patentes qu'elle donne de la vie future, de la présence autour de nous de ceux que nous avons aimés, de la continuité de leur affection et de leur sollicitude, par les relations qu'elle nous met à même d'entretenir avec eux, nous offre une suprême consolation dans une des causes les plus légitimes de douleur. Avec le spiritisme, plus de solitude, plus d'abandon ; l'homme le plus isolé a toujours des amis près de lui, avec lesquels il peut s'entretenir.

Nous supportons impatiemment les tribulations de la vie ; elles nous paraissent si intolérables que nous ne comprenons pas que nous les puissions endurer ; et pourtant, si nous les avons supportées avec courage, si nous avons su imposer silence à nos murmures, nous nous en féliciterons quand nous serons hors de cette prison terrestre, comme le patient qui souffre se félicite, quand il est guéri, de s'être résigné à un traitement douloureux.

Déceptions. Ingratitude. Affections brisées.

937. Les déceptions que nous font éprouver l'ingratitude et la fragilité des liens de l'amitié, ne sont-elles pas aussi pour l'homme de coeur une source d'amertume ?
« Oui ; mais nous vous apprenons à plaindre les ingrats et les amis infidèles : ils seront plus malheureux que vous. L'ingratitude est fille de l'égoïsme, et l'égoïste trouvera plus tard des coeurs insensibles comme il l'a été lui-même. Songez à tous ceux qui ont fait plus de bien que vous, qui valurent mieux que vous, et qui ont été payés par l'ingratitude. Songez que Jésus lui-même a été bafoué et méprisé de son vivant, traité de fourbe et d'imposteur, et ne vous étonnez pas qu'il en soit de même à votre égard. Que le bien que vous avez fait soit votre récompense en ce monde, et ne regardez pas ce qu'en disent ceux qui l'ont reçu. L'ingratitude est une épreuve pour votre persistance à faire le bien ; il vous en sera tenu compte, et ceux qui vous ont méconnu en seront punis d'autant plus que leur ingratitude aura été plus grande. »

938. Les déceptions causées par l'ingratitude ne sont-elles pas faites pour endurcir le coeur et le fermer à la sensibilité ?

« Ce serait un tort ; car l'homme de coeur, comme tu dis, est toujours heureux du bien qu'il fait. Il sait que si l'on ne s'en souvient pas en cette vie, on s'en souviendra dans une autre, et que l'ingrat en aura de la honte et des remords. »

- Cette pensée n'empêche pas son coeur d'être ulcéré ; or, cela ne peut-il faire naître en lui l'idée qu'il serait plus heureux s'il était moins sensible ?

« Oui, s'il préfère le bonheur de l'égoïste ; c'est un triste bonheur que celui-là ! Qu'il sache donc que les amis ingrats qui l'abandonnent ne sont pas dignes de son amitié, et qu'il s'est trompé sur leur compte ; dès lors, il ne doit pas les regretter. Plus tard il en trouvera qui sauront mieux le comprendre. Plaignez ceux qui ont pour vous de mauvais procédés que vous n'avez pas mérités, car il y aura pour eux un triste retour ; mais ne vous en affectez pas : c'est le moyen de vous mettre au-dessus d'eux. »

La nature a donné à l'homme le besoin d'aimer et d'être aimé. Une des plus grandes jouissances qui lui soit accordée sur la terre, c'est de rencontrer des coeurs qui sympathisent avec le sien ; elle lui donne ainsi les prémices du bonheur qui lui est réservé dans le monde des Esprits parfaits où tout est amour et bienveillance : c'est une jouissance qui est refusée à l'égoïste.

Unions antipathiques.

939. Puisque les Esprits sympathiques sont portés à s'unir, comment se fait-il que, parmi les Esprits incarnés, l'affection ne soit souvent que d'un côté et que l'amour le plus sincère soit accueilli avec indifférence et même répulsion ? Comment, en outre, l'affection la plus vive de deux êtres peut-elle se changer en antipathie et quelquefois en haine ?
« Tu ne comprends donc pas que c'est une punition, mais qui n'est que passagère. Puis, combien n'y en a-t-il pas qui croient aimer éperdument, parce qu'ils ne jugent que sur les apparences, et quand ils sont obligés de vivre avec les personnes, ils ne tardent pas à reconnaître que ce n'est qu'un engouement matériel ! Il ne suffit pas d'être épris d'une personne qui vous plaît et à qui vous croyez de belles qualités ; c'est en vivant réellement avec elle que vous pourrez l'apprécier. Combien aussi n'y a-t-il pas de ces unions qui tout d'abord paraissent ne devoir jamais être sympathiques, et quand l'un et l'autre se sont bien connus et bien étudiés finissent par s'aimer d'un amour tendre et durable, parce qu'il repose sur l'estime ! Il ne faut pas oublier que c'est l'Esprit qui aime et non le corps, et quand l'illusion matérielle est dissipée, l'Esprit voit la réalité.

Il y a deux sortes d'affections : celle du corps et celle de l'âme, et l'on prend souvent l'une pour l'autre. L'affection de l'âme, quand elle est pure et sympathique, est durable ; celle du corps est périssable ; voilà pourquoi souvent ceux qui croyaient s'aimer d'un amour éternel se haïssent quand l'illusion est tombée. »

940. Le défaut de sympathie entre les êtres destinés à vivre ensemble n'est-il pas également une source de chagrins d'autant plus amers qu'ils empoisonnent toute l'existence ?

« Très amers, en effet ; mais c'est un de ces malheurs dont vous êtes le plus souvent la première cause ; d'abord ce sont vos lois qui ont tort, car crois-tu que Dieu t'astreigne à rester avec ceux qui te déplaisent ? Et puis, dans ces unions, vous cherchez souvent plus la satisfaction de votre orgueil et de votre ambition que le bonheur d'une affection mutuelle ; vous subissez alors la conséquence de vos préjugés. »

- Mais dans ce cas, n'y a-t-il pas presque toujours une victime innocente ?

« Oui, et c'est pour elle une dure expiation ; mais la responsabilité de son malheur retombera sur ceux qui en auront été la cause. Si la lumière de la vérité a pénétré son âme, elle puisera sa consolation dans sa foi en l'avenir ; du reste, à mesure que les préjugés s'affaibliront, les causes de ces malheurs privés disparaîtront aussi. »

Appréhension de la mort.

941. L'appréhension de la mort est pour beaucoup de gens une cause de perplexité ; d'où vient cette appréhension, puisqu'ils ont devant eux l'avenir ?
« C'est à tort qu'ils ont cette appréhension ; mais que veux-tu ! on cherche à leur persuader dans leur jeunesse qu'il y a un enfer et un paradis, mais qu'il est plus certain qu'ils iront en enfer, parce qu'on leur dit que ce qui est dans la nature est un péché mortel pour l'âme : alors quand ils deviennent grands, s'ils ont un peu de jugement ils ne peuvent admettre cela, et ils deviennent athées ou matérialistes ; c'est ainsi qu'on les amène à croire qu'en dehors de la vie présente, il n'y a plus rien. Quant à ceux qui ont persisté dans leurs croyances d'enfance, ils redoutent ce feu éternel qui doit les brûler sans les anéantir.

La mort n'inspire au juste aucune crainte, parce qu'avec la foi, il a la certitude de l'avenir ; l'espérance lui fait attendre une vie meilleure, et la charité dont il a pratiqué la loi lui donne l'assurance qu'il ne rencontrera dans le monde où il va entrer aucun être dont il ait à redouter le regard. » (730).

L'homme charnel, plus attaché à la vie corporelle qu'à la vie spirituelle, a, sur la terre, des peines et des jouissances matérielles ; son bonheur est dans la satisfaction fugitive de tous ses désirs. Son âme, constamment préoccupée et affectée des vicissitudes de la vie, est dans une anxiété et une torture perpétuelles. La mort l'effraye, parce qu'il doute de son avenir et qu'il laisse sur la terre toutes ses affections et toutes ses espérances.

L'homme moral, qui s'est élevé au-dessus des besoins factices créés par les passions, a, dès ici-bas, des jouissances inconnues à l'homme matériel. La modération de ses désirs donne à son Esprit le calme et la sérénité. Heureux du bien qu'il fait, il n'est point pour lui de déceptions, et les contrariétés glissent sur son âme sans y laisser d'empreinte douloureuse.

942. Certaines personnes ne trouveront-elles pas ces conseils pour être heureux sur la terre un peu banaux ; n'y verront-elles pas ce qu'elles appellent les lieux communs, des vérités rebattues ; et ne diront-elles pas qu'en définitive le secret pour être heureux, c'est de savoir supporter son malheur ?

« Il y en a qui diront cela, et beaucoup ; mais il en est d'elles comme de certains malades à qui le médecin prescrit la diète ; ils voudraient être guéris sans remèdes et en continuant à se donner des indigestions. »

Dégoût de la vie. Suicide.

943. D'où vient le dégoût de la vie qui s'empare de certains individus, sans motifs plausibles ?
« Effet de l'oisiveté, du manque de foi et souvent de la satiété.

Pour celui qui exerce ses facultés dans un but utile et selon ses aptitudes naturelles, le travail n'a rien d'aride, et la vie s'écoule plus rapidement ; il en supporte les vicissitudes avec d'autant plus de patience et de résignation, qu'il agit en vue du bonheur plus solide et plus durable qui l'attend. »

944. L'homme a-t-il le droit de disposer de sa propre vie ?

« Non, Dieu seul a ce droit. Le suicide volontaire est une transgression de cette loi. »

- Le suicide n'est il pas toujours volontaire ?

« Le fou qui se tue ne sait ce qu'il fait. »

945. Que penser du suicide qui a pour cause le dégoût de la vie ?

« Insensés ! pourquoi ne travaillaient-ils pas ? L'existence ne leur aurait pas été à charge ! »

946. Que penser du suicide qui a pour but d'échapper aux misères et aux déceptions de ce monde ?

« Pauvres Esprits, qui n'ont pas le courage de supporter les misères de l'existence ! Dieu aide ceux qui souffrent, et non pas ceux qui n'ont ni force, ni courage. Les tribulations de la vie sont des épreuves ou des expiations ; heureux ceux qui les supportent sans murmurer, car ils en seront récompensés ! Malheur au contraire à ceux qui attendent leur salut de ce que, dans leur impiété, ils appellent le hasard ou la fortune ! Le hasard ou la fortune, pour me servir de leur langage, peuvent en effet les favoriser un instant, mais c'est pour leur faire sentir plus tard et plus cruellement le néant de ces mots. »

- Ceux qui ont conduit le malheureux à cet acte de désespoir en subiront-ils les conséquences ?

« Oh ! ceux-là, malheur à eux ! car ils en répondront comme d'un meurtre. »

947. L'homme qui est aux prises avec le besoin et qui se laisse mourir de désespoir, peut-il être considéré comme se suicidant ?

« C'est un suicide, mais ceux qui en sont cause ou qui pourraient l'empêcher sont plus coupables que lui, et l'indulgence l'attend. Pourtant ne croyez pas qu'il soit entièrement absous s'il a manqué de fermeté et de persévérance, et s'il n'a pas fait usage de toute son intelligence pour se tirer du bourbier. Malheur surtout à lui si son désespoir naît de l'orgueil ; je veux dire s'il est de ces hommes en qui l'orgueil paralyse les ressources de l'intelligence, qui rougiraient de devoir leur existence au travail de leurs mains, et qui préfèrent mourir de faim plutôt que de déroger à ce qu'ils appellent leur position sociale ! N'y a-t-il pas cent fois plus de grandeur et de dignité à lutter contre l'adversité, à braver la critique d'un monde futile et égoïste qui n'a de bonne volonté que pour ceux qui ne manquent de rien, et vous tourne le dos dès que vous avez besoin de lui ? Sacrifier sa vie à la considération de ce monde est une chose stupide, car il n'en tient aucun compte. »

948. Le suicide qui a pour but d'échapper à la honte d'une mauvaise action est-il aussi répréhensible que celui qui est causé par le désespoir ?

« Le suicide n'efface pas la faute, au contraire, il y en a deux au lieu d'une. Quand on a eu le courage de faire le mal, il faut avoir celui d'en subir les conséquences. Dieu juge, et selon la cause peut quelquefois diminuer ses rigueurs. »

949. Le suicide est-il excusable lorsqu'il a pour but d'empêcher la honte de rejaillir sur les enfants ou la famille ?

« Celui qui agit ainsi ne fait pas bien, mais il le croit, et Dieu lui en tient compte, car c'est une expiation qu'il s'impose lui-même. Il atténue sa faute par l'intention, mais il n'en commet pas moins une faute. Du reste, abolissez les abus de votre société et vos préjugés, et vous n'aurez plus de ces suicides. »

Celui qui s'ôte la vie pour échapper à la honte d'une mauvaise action, prouve qu'il tient plus à l'estime des hommes qu'à celle de Dieu, car il va rentrer dans la vie spirituelle chargé de ses iniquités, et il s'est ôté les moyens de les réparer pendant la vie. Dieu est souvent moins inexorable que les hommes ; il pardonne au repentir sincère et nous tient compte de la réparation ; le suicide ne répare rien.

950. Que penser de celui qui s'ôte la vie dans l'espoir d'arriver plus tôt à une meilleure ?

« Autre folie ! qu'il fasse le bien et il sera plus sûr d'y arriver ; car il retarde son entrée dans un monde meilleur, et lui-même demandera à venir finir cette vie qu'il a tranchée par une fausse idée. Une faute, quelle qu'elle soit, n'ouvre jamais le sanctuaire des élus. »

951. Le sacrifice de sa vie n'est-il pas quelquefois méritoire quand il a pour but de sauver celle d'autrui ou d'être utile à ses semblables ?

« Cela est sublime, selon l'intention, et le sacrifice de sa vie n'est pas un suicide ; mais Dieu s'oppose à un sacrifice inutile et ne peut le voir avec plaisir s'il est terni par l'orgueil. Un sacrifice n'est méritoire que par le désintéressement, et celui qui l'accomplit a quelquefois une arrière-pensée qui en diminue la valeur aux yeux de Dieu. »

Tout sacrifice fait aux dépens de son propre bonheur est un acte souverainement méritoire aux yeux de Dieu, car c'est la pratique de la loi de charité. Or, la vie étant le bien terrestre auquel l'homme attache le plus de prix, celui qui y renonce pour le bien de ses semblables ne commet point un attentat : c'est un sacrifice qu'il accomplit. Mais avant de l'accomplir, il doit réfléchir si sa vie ne peut pas être plus utile que sa mort.

952. L'homme qui périt victime de l'abus de passions qu'il sait devoir hâter sa fin, mais auxquelles il n'a plus le pouvoir de résister, parce que l'habitude en a fait de véritables besoins physiques, commet-il un suicide ?

« C'est un suicide moral. Ne comprenez-vous pas que l'homme est doublement coupable dans ce cas ? Il y a chez lui défaut de courage et bestialité, et de plus oubli de Dieu. »

- Est-il plus ou moins coupable que celui qui s'ôte la vie par désespoir ?

« Il est plus coupable, parce qu'il a le temps de raisonner son suicide ; chez celui qui le fait instantanément, il y a quelquefois une sorte d'égarement qui tient de la folie ; l'autre sera beaucoup plus puni, car les peines sont toujours proportionnées à la conscience que l'on a des fautes commises. »

953. Lorsqu'une personne voit devant elle une mort inévitable et terrible, est-elle coupable d'abréger de quelques instants ses souffrances par une mort volontaire ?

« On est toujours coupable de ne pas attendre le terme fixé par Dieu. Est-on d'ailleurs bien certain que ce terme soit arrivé malgré les apparences, et ne peut-on recevoir un secours inespéré au dernier moment ? »

- On conçoit que dans les circonstances ordinaires le suicide soit répréhensible, mais nous supposons le cas où la mort est inévitable, et où la vie n'est abrégée que de quelques instants ?

« C'est toujours un manque de résignation et de soumission à la volonté du Créateur. »

- Quelles sont, dans ce cas, les conséquences de cette action ?

« Une expiation proportionnée à la gravité de la faute, selon les circonstances, comme toujours. »

954. Une imprudence qui compromet la vie sans nécessité est-elle répréhensible ?

« Il n'y a pas culpabilité quand il n'y a pas intention ou conscience positive de faire le mal. »

955. Les femmes qui, dans certains pays, se brûlent volontairement sur le corps de leur mari, peuvent-elles être considérées comme se suicidant, et en subissent-elles les conséquences ?

« Elles obéissent à un préjugé, et souvent plus à la force qu'à leur propre volonté. Elles croient accomplir un devoir, et ce n'est pas là le caractère du suicide. Leur excuse est dans la nullité morale de la plupart d'entre elles et dans leur ignorance. Ces usages barbares et stupides disparaissent avec la civilisation. »

956. Ceux qui, ne pouvant supporter la perte de personnes qui leur sont chères, se tuent dans l'espoir d'aller les rejoindre, atteignent-ils leur but ?

« Le résultat pour eux est tout autre que celui qu'ils attendent, et au lieu d'être réunis à l'objet de leur affection, ils s'en éloignent pour plus longtemps, car Dieu ne peut récompenser un acte de lâcheté, et l'insulte qui lui est faite en doutant de sa providence. Ils payeront cet instant de folie par des chagrins plus grands que ceux qu'ils croient abréger, et n'auront pas pour les compenser la satisfaction qu'ils espéraient. » (934 et suivants).

957. Quelles sont, en général, les conséquences du suicide sur l'état de l'Esprit ?

« Les conséquences du suicide sont très diverses ; il n'y a pas de peines fixées, et dans tous les cas elles sont toujours relatives aux causes qui l'ont amené ; mais une conséquence à laquelle le suicidé ne peut échapper, c'est le désappointement. Du reste, le sort n'est pas le même pour tous : il dépend des circonstances ; quelques-uns expient leur faute immédiatement, d'autres dans une nouvelle existence qui sera pire que celle dont ils ont interrompu le cours. »

L'observation montre, en effet, que les suites de suicide ne sont pas toujours les mêmes ; mais il en est qui sont communes à tous les cas de mort violente, et la conséquence de l'interruption brusque de la vie. C'est d'abord la persistance plus prolongée et plus tenace du lien qui unit l'Esprit et le corps, ce lien étant presque toujours dans toute sa force au moment où il a été brisé, tandis que dans la mort naturelle il s'affaiblit graduellement, et souvent est dénoué avant que la vie soit complètement éteinte. Les conséquences de cet état de choses sont la prolongation du trouble spirite, puis l'illusion qui, pendant un temps plus ou moins long, fait croire à l'Esprit qu'il est encore au nombre des vivants. (155 et 165)

L'affinité qui persiste entre l'Esprit et le corps produit, chez quelques suicidés, une sorte de répercussion de l'état du corps sur l'Esprit qui ressent ainsi malgré lui les effets de la décomposition, et en éprouve une sensation pleine d'angoisses et d'horreur, et cet état peut persister aussi longtemps qu'aurait dû durer la vie qu'ils ont interrompue. Cet effet n'est pas général ; mais dans aucun cas le suicidé n'est affranchi des conséquences de son manque de courage, et tôt ou tard il expie sa faute d'une manière ou d'une autre. C'est ainsi que certains Esprits, qui avaient été très malheureux sur la terre, ont dit s'être suicidés dans leur précédente existence, et s'être volontairement soumis à de nouvelles épreuves pour essayer de les supporter avec plus de résignation. Chez quelques-uns c'est une sorte d'attachement à la matière dont ils cherchent en vain à se débarrasser pour s'envoler vers des mondes meilleurs, mais dont l'accès leur est interdit ; chez la plupart c'est le regret d'avoir fait une chose inutile, puisqu'ils n'en éprouvent que de la déception.

La religion, la morale, toutes les philosophies condamnent le suicide comme contraire à la loi de nature ; toutes nous disent en principe qu'on n'a pas le droit d'abréger volontairement sa vie ; mais pourquoi n'a-t-on pas ce droit ? Pourquoi n'est-on pas libre de mettre un terme à ses souffrances ? Il était réservé au spiritisme de démontrer, par l'exemple de ceux qui ont succombé, que ce n'est pas seulement une faute comme infraction à une loi morale, considération de peu de poids pour certains individus, mais un acte stupide, puisqu'on n'y gagne rien, loin de là ; ce n'est pas la théorie qu'il nous enseigne, ce sont les faits qu'il met sous nos yeux

CHAPITRE II 
 
PEINES ET JOUISSANCES FUTURES

1. Néant. Vie future. - 2. Intuition des peines et jouissances futures.


3. Intervention de Dieu dans les peines et récompenses. - 4. Nature des
peines et jouissances futures. - 5. Peines temporelles. - 6. Expiation et repentir. - 7. Durée des peines futures. - 8. Paradis, enfer et purgatoire.

Néant. Vie future.

958. Pourquoi l'homme a-t-il instinctivement horreur du néant ?
« Parce que le néant n'existe pas. »

959. D'où vient à l'homme le sentiment instinctif de la vie future ?

« Nous l'avons déjà dit : avant son incarnation, l'Esprit connaissait toutes ces choses, et l'âme garde un vague souvenir de ce qu'elle sait et de ce qu'elle a vu dans son état spirituel. » (393).

Dans tous les temps l'homme s'est préoccupé de son avenir d'outre-tombe, et cela est fort naturel. Quelque importance qu'il attache à la vie présente, il ne peut s'empêcher de considérer combien elle est courte, et surtout précaire, puisqu'elle peut être brisée à chaque instant, et qu'il n'est jamais sûr du lendemain. Que devient-il après l'instant fatal ? La question est grave, car il ne s'agit pas de quelques années, mais de l'éternité. Celui qui doit passer de longues années dans un pays étranger s'inquiète de la position qu'il y aura ; comment donc ne nous préoccuperions-nous pas de celle que nous aurons en quittant ce monde, puisque c'est pour toujours ?

L'idée du néant a quelque chose qui répugne à la raison. L'homme le plus insouciant pendant sa vie, arrivé au moment suprême, se demande ce qu'il va devenir, et involontairement il espère.

Croire en Dieu sans admettre la vie future serait un non-sens. Le sentiment d'une existence meilleure est dans le for intérieur de tous les hommes ; Dieu n'a pu l'y placer en vain.

La vie future implique la conservation de notre individualité après la mort ; que nous importerait en effet de survivre à notre corps, si notre essence morale devait se perdre dans l'océan de l'infini ? Les conséquences pour nous seraient les mêmes que le néant.

Intuition des peines et jouissances futures.

960. D'où vient la croyance, que l'on retrouve chez tous les peuples, de peines et de récompenses à venir ?
« C'est toujours la même chose : pressentiment de la réalité apporté à l'homme par l'Esprit incarné en lui ; car, sachez-le bien, ce n'est pas en vain qu'une voix intérieure vous parle ; votre tort est de ne pas assez l'écouter. Si vous y pensiez bien et souvent, vous deviendriez meilleurs. »

961. Au moment de la mort, quel est le sentiment qui domine chez le plus grand nombre des hommes, est-ce le doute, la crainte ou l'espérance ?

« Le doute pour les sceptiques endurcis, la crainte pour les coupables, l'espérance pour les hommes de bien. »

962. Pourquoi y a-t-il des sceptiques, puisque l'âme apporte à l'homme le sentiment des choses spirituelles ?

« Il y en a moins qu'on ne le croit ; beaucoup font les Esprits forts pendant leur vie par orgueil, mais au moment de mourir, ils ne sont pas si fanfarons. »

La conséquence de la vie future est la responsabilité de nos actes. La raison et la justice nous disent que, dans la répartition du bonheur auquel tout homme aspire, les bons et les méchants ne sauraient être confondus. Dieu ne peut vouloir que les uns jouissent sans peine de biens auxquels d'autres n'atteignent qu'avec effort et persévérance.

L'idée que Dieu nous donne de sa justice et de sa bonté par la sagesse de ses lois ne nous permet pas de croire que le juste et le méchant soient au même rang à ses yeux, ni de douter qu'ils ne reçoivent un jour, l'un la récompense, l'autre le châtiment du bien ou du mal qu'ils auront fait ; c'est pourquoi le sentiment inné que nous avons de la justice nous donne l'intuition des peines et des récompenses futures.

Intervention de Dieu dans les peines et récompenses.

963. Dieu s'occupe-t-il personnellement de chaque homme ? N'est-il pas trop grand et nous trop petits pour que chaque individu en particulier ait quelque importance à ses yeux ?
« Dieu s'occupe de tous les êtres qu'il a créés, quelque petits qu'ils soient ; rien n'est trop peu pour sa bonté. »

964. Dieu a-t-il besoin de s'occuper de chacun de nos actes pour nous récompenser ou nous punir, et la plupart de ces actes ne sont-ils pas insignifiants pour lui ?

« Dieu a ses lois qui règlent toutes vos actions ; si vous les violez, c'est votre faute. Sans doute, quand un homme commet un excès, Dieu ne rend pas un jugement contre lui pour lui dire, par exemple : Tu as été gourmand, je vais te punir ; mais il a tracé une limite ; les maladies et souvent la mort sont la conséquence des excès ; voilà la punition : elle est le résultat de l'infraction à la loi. Il en est ainsi en tout. »

Toutes nos actions sont soumises aux lois de Dieu ; il n'en est aucune, quelque insignifiante qu'elle nous paraisse, qui ne puisse en être la violation. Si nous subissons les conséquences de cette violation, nous ne devons nous en prendre qu'à nous-mêmes qui nous faisons ainsi les propres artisans de notre bonheur ou de notre malheur à venir.

Cette vérité est rendue sensible par l'apologue suivant :

« Un père a donné à son enfant l'éducation et l'instruction, c'est-à-dire les moyens de savoir se conduire. Il lui cède un champ à cultiver et lui dit : Voilà la règle à suivre, et tous les instruments nécessaires pour rendre ce champ fertile et assurer ton existence. Je t'ai donné l'instruction pour comprendre cette règle ; si tu la suis, ton champ te produira beaucoup et te procurera le repos sur tes vieux jours ; sinon il ne te produira rien et tu mourras de faim. Cela dit, il le laisse agir à son gré. »

N'est-il pas vrai que ce champ produira en raison des soins donnés à la culture, et que toute négligence sera au détriment de la récolte ? Le fils sera donc, sur ses vieux jours, heureux ou malheureux selon qu'il aura suivi ou négligé la règle tracée par son père. Dieu est encore plus prévoyant, car il nous avertit à chaque instant si nous faisons bien ou mal : il nous envoie les Esprits pour nous inspirer, mais nous ne les écoutons pas. Il y a encore cette différence, que Dieu donne toujours à l'homme une ressource dans ses nouvelles existences pour réparer ses erreurs passées, tandis que le fils dont nous parlons n'en a plus s'il a mal employé son temps.

Nature des peines et jouissances futures.

965. Les peines et les jouissances de l'âme après la mort ont-elles quelque chose de matériel ?
« Elles ne peuvent être matérielles, puisque l'âme n'est pas matière : le bon sens le dit. Ces peines et ces jouissances n'ont rien de charnel, et pourtant elles sont mille fois plus vives que celles que vous éprouvez sur la terre, parce que l'Esprit, une fois dégagé, est plus impressionnable ; la matière n'émousse plus ses sensations. » (237 à 257).

966. Pourquoi l'homme se fait-il des peines et des jouissances de la vie future une idée souvent si grossière et si absurde ?

« Intelligence qui n'est point encore assez développée. L'enfant comprend-il comme l'adulte ? D'ailleurs, cela dépend aussi de ce qu'on lui a enseigné : c'est là qu'il y a besoin d'une réforme.

Votre langage est trop incomplet pour exprimer ce qui est en dehors de vous ; alors il a bien fallu des comparaisons, et ce sont ces images et ces figures que vous avez prises pour la réalité ; mais à mesure que l'homme s'éclaire, sa pensée comprend les choses que son langage ne peut rendre. »

967. En quoi consiste le bonheur des bons Esprits ?

« Connaître toutes choses ; n'avoir ni haine, ni jalousie, ni envie, ni ambition, ni aucune des passions qui font le malheur des hommes. L'amour qui les unit est pour eux la source d'une suprême félicité. Ils n'éprouvent ni les besoins, ni les souffrances, ni les angoisses de la vie matérielle ; ils sont heureux du bien qu'ils font ; du reste, le bonheur des Esprits est toujours proportionné à leur élévation. Les purs Esprits jouissent seuls, il est vrai, du bonheur suprême, mais tous les autres ne sont pas malheureux ; entre les mauvais et les parfaits, il y a une infinité de degrés où les jouissances sont relatives à l'état moral. Ceux qui sont assez avancés comprennent le bonheur de ceux qui sont arrivés avant eux : ils y aspirent ; mais c'est pour eux un sujet d'émulation et non de jalousie ; ils savent qu'il dépend d'eux d'y atteindre et travaillent à cette fin, mais avec le calme de la bonne conscience, et ils sont heureux de n'avoir pas à souffrir ce qu'endurent les mauvais. »

968. Vous placez l'absence des besoins matériels au nombre des conditions de bonheur pour les Esprits ; mais la satisfaction de ces besoins n'est-elle pas, pour l'homme, une source de jouissances ?

« Oui, les jouissances de la bête ; et quand tu ne peux satisfaire ces besoins, c'est une torture. »

969. Que faut-il entendre quand on dit que les purs Esprits sont réunis dans le sein de Dieu et occupés à chanter ses louanges ?

« C'est une allégorie qui peint l'intelligence qu'ils ont des perfections de Dieu, parce qu'ils le voient et le comprennent, mais qu'il ne faut pas plus prendre à la lettre que beaucoup d'autres. Tout dans la nature, depuis le grain de sable, chante, c'est-à-dire proclame la puissance, la sagesse et la bonté de Dieu ; mais ne crois pas que les Esprits bienheureux soient en contemplation pendant l'éternité ; ce serait un bonheur stupide et monotone ; ce serait de plus celui de l'égoïste, puisque leur existence serait une inutilité sans terme. Ils n'ont plus les tribulations de l'existence corporelle : c'est déjà une jouissance ; et puis, comme nous l'avons dit, ils connaissent et savent toutes choses ; ils mettent à profit l'intelligence qu'ils ont acquise pour aider aux progrès des autres Esprits : c'est leur occupation et en même temps une jouissance. »

970. En quoi consistent les souffrances des Esprits inférieurs ?

« Elles sont aussi variées que les causes qui les ont produites et proportionnées au degré d'infériorité, comme les jouissances le sont au degré de supériorité ; elles peuvent se résumer ainsi : Envier tout ce qui leur manque pour être heureux et ne pouvoir l'obtenir ; voir le bonheur et n'y pouvoir atteindre ; regret, jalousie, rage, désespoir de ce qui les empêche d'être heureux ; remords, anxiété morale indéfinissable. Ils ont le désir de toutes les jouissances et ne peuvent les satisfaire, et c'est ce qui les torture. »

971. L'influence que les Esprits exercent les uns sur les autres est-elle toujours bonne ?

« Toujours bonne de la part des bons Esprits, cela va sans dire ; mais les Esprits pervers cherchent à détourner de la voie du bien et du repentir ceux qu'ils croient susceptibles de se laisser entraîner, et que souvent ils ont entraînés au mal pendant la vie. »

- Ainsi, la mort ne nous délivre pas de la tentation ?

« Non, mais l'action des mauvais Esprits est beaucoup moins grande sur les autres Esprits que sur les hommes, parce qu'ils n'ont pas pour auxiliaires les passions matérielles. » (996).

972. Comment les mauvais Esprits s'y prennent-ils pour tenter les autres Esprits, puisqu'ils n'ont pas le secours des passions ?

« Si les passions n'existent pas matériellement, elles existent encore dans la pensée chez les Esprits arriérés ; les mauvais entretiennent ces pensées en entraînant leurs victimes dans les lieux où ils ont le spectacle de ces passions et de tout ce qui peut les exciter. »

- Mais à quoi bon ces passions, puisqu'elles n'ont plus d'objet réel ?

« C'est précisément là leur supplice : l'avare voit de l'or qu'il ne peut posséder ; le débauché des orgies auxquelles il ne peut prendre part ; l'orgueilleux des honneurs qu'il envie et dont il ne peut jouir. »

973. Quelles sont les plus grandes souffrances que puissent endurer les mauvais Esprits ?

« Il n'y a pas de description possible des tortures morales qui sont la punition de certains crimes ; celui-là même qui les éprouve aurait de la peine à vous en donner une idée ; mais assurément la plus affreuse est la pensée qu'il a d'être condamné sans retour. »

L'homme se fait des peines et des jouissances de l'âme après la mort une idée plus ou moins élevée, selon l'état de son intelligence. Plus il se développe, plus cette idée s'épure et se dégage de la matière ; il comprend les choses sous un point de vue plus rationnel, il cesse de prendre à la lettre les images d'un langage figuré. La raison plus éclairée nous apprenant que l'âme est un être tout spirituel nous dit, par cela même, qu'elle ne peut être affectée par les impressions qui n'agissent que sur la matière ; mais il ne s'ensuit pas pour cela qu'elle soit exempte de souffrances, ni qu'elle ne reçoive pas la punition de ses fautes. (237).

Les communications spirites ont pour résultat de nous montrer l'état futur de l'âme, non plus comme une théorie, mais comme une réalité ; elles mettent sous nos yeux toutes les péripéties de la vie d'outre-tombe ; mais elles nous les montrent en même temps comme des conséquences parfaitement logiques de la vie terrestre, et, quoique dégagées de l'appareil fantastique créé par l'imagination des hommes, elles n'en sont pas moins pénibles pour ceux qui ont fait un mauvais usage de leurs facultés. La diversité de ces conséquences est infinie ; mais on peut dire, en thèse générale : chacun est puni par où il a péché ; c'est ainsi que les uns le sont par la vue incessante du mal qu'ils ont fait ; d'autres par les regrets, la crainte, la honte, le doute, l'isolement, les ténèbres, la séparation des êtres qui leur sont chers, etc..

974. D'où vient la doctrine du feu éternel ?

« Image, comme tant d'autres choses, prise pour la réalité. »

- Mais cette crainte ne peut-elle avoir un bon résultat ?

« Vois donc si elle en retient beaucoup, même parmi ceux qui l'enseignent. Si vous enseignez des choses que la raison rejette plus tard, vous ferez une impression qui ne sera ni durable ni salutaire. »

L'homme, impuissant à rendre, par son langage, la nature de ces souffrances, n'a pas trouvé de comparaison plus énergique que celle du feu, car, pour lui le feu est le type du plus cruel supplice et le symbole de l'action la plus énergique ; c'est pourquoi la croyance au feu éternel remonte à la plus haute antiquité, et les peuples modernes en ont hérité des peuples anciens ; c'est pourquoi aussi, dans son langage figuré, il dit : le feu des passions ; brûler d'amour, de jalousie, etc..

975. Les Esprits inférieurs comprennent-ils le bonheur du juste ?

« Oui, et c'est ce qui fait leur supplice ; car ils comprennent qu'ils en sont privés par leur faute : c'est pourquoi l'Esprit, dégagé de la matière, aspire après une nouvelle existence corporelle, parce que chaque existence peut abréger la durée de ce supplice, si elle est bien employée. C'est alors qu'il fait choix des épreuves par lesquelles il pourra expier ses fautes ; car, sachez-le bien, l'Esprit souffre de tout le mal qu'il a fait ou dont il a été la cause volontaire, de tout le bien qu'il aurait pu faire et qu'il n'a pas fait et de tout le mal qui résulte du bien qu'il n'a pas fait.

L'Esprit errant n'a plus de voile ; il est comme sorti du brouillard et voit ce qui l'éloigne du bonheur ; alors il souffre davantage, car il comprend combien il a été coupable. Pour lui il n'y a plus d'illusion : il voit la réalité des choses. »

L'Esprit à l'état errant embrasse d'un côté toutes ses existences passées, de l'autre il voit l'avenir promis et comprend ce qui lui manque pour l'atteindre. Tel un voyageur parvenu au faîte d'une montagne, voit la route parcourue et celle qui lui reste à parcourir pour arriver à son but.

976. La vue des Esprits qui souffrent n'est-elle pas pour les bons une cause d'affliction, et alors que devient leur bonheur si ce bonheur est troublé ?

« Ce n'est point une affliction, puisqu'ils savent que le mal aura une fin ; ils aident les autres à s'améliorer et leur tendent la main : c'est là leur occupation, et une jouissance quand ils réussissent. »

- Cela se conçoit de la part d'Esprits étrangers ou indifférents ; mais la vue des chagrins et des souffrances de ceux qu'ils ont aimés sur la terre ne trouble-t-elle pas leur bonheur ?

« S'ils ne voyaient pas ces souffrances, c'est qu'ils vous seraient étrangers après la mort ; or, la religion vous dit que les âmes vous voient ; mais ils considèrent vos afflictions à un autre point de vue ; ils savent que ces souffrances sont utiles à votre avancement, si vous les supportez avec résignation ; ils s'affligent donc plus du manque de courage qui vous retarde que des souffrances en elles-mêmes, qui ne sont que passagères. »

977. Les Esprits ne pouvant se cacher réciproquement leurs pensées, et tous les actes de la vie étant connus, il s'ensuivrait que le coupable est en présence perpétuelle de sa victime ?

« Cela ne peut être autrement, le bon sens le dit. »

- Cette divulgation de tous nos actes répréhensibles, et la présence perpétuelle de ceux qui en ont été les victimes sont-elles un châtiment pour le coupable ?

« Plus grand qu'on ne pense, mais seulement jusqu'à ce qu'il ait expié ses fautes, soit comme Esprit, soit comme homme dans de nouvelles existences corporelles. »

Lorsque nous sommes nous-mêmes dans le monde des Esprits, tout notre passé étant à découvert, le bien et le mal que nous aurons faits seront également connus. C'est en vain que celui qui a fait le mal voudra échapper à la vue de ses victimes : leur présence inévitable sera pour lui un châtiment et un remords incessant jusqu'à ce qu'il ait expié ses torts, tandis que l'homme de bien, au contraire, ne rencontrera partout que des regards amis et bienveillants.

Pour le méchant, il n'est pas de plus grand tourment sur terre que la présence de ses victimes ; c'est pourquoi il les évite sans cesse. Que sera-ce quand, l'illusion des passions étant dissipée, il comprendra le mal qu'il a fait, verra ses actes les plus secrets dévoilés, son hypocrisie démasquée, et qu'il ne pourra se soustraire à leur vue ? Tandis que l'âme de l'homme pervers est en proie à la honte, au regret et au remords, celle du juste jouit d'une sérénité parfaite.

978. Le souvenir des fautes que l'âme a pu commettre, alors qu'elle était imparfaite, ne trouble-t-il pas son bonheur, même après qu'elle s'est épurée ?

« Non, parce qu'elle a racheté ses fautes et qu'elle est sortie victorieuse des épreuves auxquelles elle s'était soumise dans ce but. »

979. Les épreuves qui restent à subir pour achever la purification ne sont-elles pas pour l'âme une appréhension pénible qui trouble son bonheur ?

« Pour l'âme qui est encore souillée, oui ; c'est pourquoi elle ne peut jouir d'un bonheur parfait que lorsqu'elle sera tout à fait pure ; mais pour celle qui est déjà élevée, la pensée des épreuves qui lui restent à subir n'a rien de pénible. »

L'âme qui est arrivée à un certain degré de pureté goûte déjà le bonheur ; un sentiment de douce satisfaction la pénètre ; elle est heureuse de tout ce qu'elle voit, de tout ce qui l'entoure ; le voile se lève pour elle sur les mystères et les merveilles de la création, et les perfections divines lui apparaissent dans toute leur splendeur.

980. Le lien sympathique qui unit les Esprits du même ordre est-il pour eux une source de félicité ?

« L'union des Esprits qui sympathisent pour le bien est pour eux une des plus grandes jouissances ; car ils ne craignent pas de voir cette union troublée par l'égoïsme. Ils forment, dans le monde tout à fait spirituel, des familles de même sentiment, et c'est en cela que consiste le bonheur spirituel, comme dans ton monde vous vous groupez par catégories, et vous goûtez un certain plaisir quand vous êtes réunis. L'affection pure et sincère qu'ils éprouvent et dont ils sont l'objet est une source de félicité, car il n'y a point là de faux amis ni d'hypocrites. »

L'homme goûte les prémices de ce bonheur sur la terre quand il rencontre des âmes avec lesquelles il peut se confondre dans une union pure et sainte. Dans une vie plus épurée, cette jouissance sera ineffable et sans bornes, parce qu'il ne rencontrera que des âmes sympathiques que l'égoïsme ne refroidira pas ; car tout est amour dans la nature : c'est l'égoïsme qui le tue.

981. Y a-t-il, pour l'état futur de l'Esprit, une différence entre celui qui, de son vivant, redoutait la mort, et celui qui la voit avec indifférence, et même avec joie ?

« La différence peut être très grande ; cependant, elle s'efface souvent devant les causes qui donnent cette crainte ou ce désir. Soit qu'on la redoute, soit qu'on la souhaite, on peut être mû par des sentiments très divers, et ce sont ces sentiments qui influent sur l'état de l'Esprit. Il est évident, par exemple, que chez celui qui désire la mort uniquement parce qu'il y voit le terme de ses tribulations, c'est une sorte de murmure contre la Providence et contre les épreuves qu'il doit subir. »

982. Est-il nécessaire de faire profession de spiritisme et de croire aux manifestations pour assurer notre sort dans la vie future ?

« S'il en était ainsi, il s'ensuivrait que tous ceux qui ne croient pas ou qui n'ont pas été à même de s'éclairer sont déshérités, ce qui serait absurde. C'est le bien qui assure le sort à venir ; or, le bien est toujours le bien, quelle que soit la voie qui y conduit. » (165-799).

La croyance au spiritisme aide à s'améliorer en fixant les idées sur certains points de l'avenir ; elle hâte l'avancement des individus et des masses, parce qu'elle permet de se rendre compte de ce que nous serons un jour ; c'est un point d'appui, une lumière qui nous guide. Le spiritisme apprend à supporter les épreuves avec patience et résignation ; il détourne des actes qui peuvent retarder le bonheur futur ; c'est ainsi qu'il contribue à ce bonheur, mais il n'est pas dit que sans cela on n'y puisse arriver.

Peines temporelles.

983. L'Esprit qui expie ses fautes dans une nouvelle existence n'a-t-il pas des souffrances matérielles et, dès lors, est-il exact de dire qu'après la mort, l'âme n'a que des souffrances morales ?
« Il est bien vrai que lorsque l'âme est réincarnée, les tribulations de la vie sont pour elle une souffrance ; mais il n'y a que le corps qui souffre matériellement.

Vous dites souvent de celui qui est mort qu'il n'a plus à souffrir ; cela n'est pas toujours vrai. Comme Esprit, il n'a plus de douleurs physiques ; mais selon les fautes qu'il a commises, il peut avoir des douleurs morales plus cuisantes, et dans une nouvelle existence il peut être encore plus malheureux. Le mauvais riche y demandera l'aumône et sera en proie à toutes les privations de la misère, l'orgueilleux à toutes les humiliations ; celui qui abuse de son autorité et traite ses subordonnés avec mépris et dureté y sera forcé d'obéir à un maître plus dur qu'il ne l'a été. Toutes les peines et les tribulations de la vie sont l'expiation des fautes d'une autre existence, lorsqu'elles ne sont pas la conséquence des fautes de la vie actuelle. Quand vous serez sortis d'ici vous le comprendrez. (273, 393, 399).

L'homme qui se croit heureux sur la terre, parce qu'il peut satisfaire ses passions, est celui qui fait le moins d'efforts pour s'améliorer. Il expie souvent dès cette vie ce bonheur éphémère, mais il l'expiera certainement dans une autre existence tout aussi matérielle. »

984. Les vicissitudes de la vie sont-elles toujours la punition des fautes actuelles ?

« Non ; nous l'avons déjà dit : ce sont des épreuves imposées par Dieu, ou choisies par vous-mêmes à l'état d'Esprit et avant votre réincarnation pour expier les fautes commises dans une autre existence ; car jamais l'infraction aux lois de Dieu, et surtout à la loi de justice, ne reste impunie ; si ce n'est dans cette vie, ce sera nécessairement dans une autre ; c'est pourquoi celui qui est juste à vos yeux est souvent frappé pour son passé. » (393).

985. La réincarnation de l'âme dans un monde moins grossier est-elle une récompense ?

« C'est la conséquence de son épuration ; car à mesure que les Esprits s'épurent, ils s'incarnent dans des mondes de plus en plus parfaits, jusqu'à ce qu'ils aient dépouillé toute matière et se soient lavés de toutes leurs souillures, pour jouir éternellement de la félicité des purs Esprits dans le sein de Dieu. »

Dans les mondes où l'existence est moins matérielle qu'ici-bas, les besoins sont moins grossiers et toutes les souffrances physiques moins vives. Les hommes ne connaissent plus les mauvaises passions qui, dans les mondes inférieurs, les font ennemis les uns des autres. N'ayant aucun sujet de haine ni de jalousie, ils vivent entre eux en paix, parce qu'ils pratiquent la loi de justice, d'amour et de charité ; ils ne connaissent point les ennuis et les soucis qui naissent de l'envie, de l'orgueil et de l'égoïsme, et qui font le tourment de notre existence terrestre (172-182).

986. L'Esprit qui a progressé dans son existence terrestre peut-il être quelquefois réincarné dans le même monde ?

« Oui, s'il n'a pu accomplir sa mission, et lui-même peut demander à la compléter dans une nouvelle existence ; mais alors ce n'est plus pour lui une expiation. » (173).

987. Que devient l'homme qui, sans faire de mal, ne fait rien pour secouer l'influence de la matière ?

« Puisqu'il ne fait aucun pas vers la perfection, il doit recommencer une existence de la nature de celle qu'il quitte ; il reste stationnaire, et c'est ainsi qu'il peut prolonger les souffrances de l'expiation. »

988. Il y a des gens dont la vie s'écoule dans un calme parfait ; qui, n'ayant besoin de rien faire par eux-mêmes, sont exempts de soucis. Cette existence heureuse est-elle une preuve qu'ils n'ont rien à expier d'une existence antérieure ?

« En connais-tu beaucoup ? Si tu le crois, tu te trompes ; souvent, le calme n'est qu'apparent. Ils peuvent avoir choisi cette existence, mais quand ils la quittent, ils s'aperçoivent qu'elle ne leur a point servi à progresser ; et alors, comme le paresseux, ils regrettent le temps perdu. Sachez bien que l'Esprit ne peut acquérir des connaissances et s'élever que par l'activité ; s'il s'endort dans l'insouciance, il n'avance pas. Il est semblable à celui qui a besoin (d'après vos usages) de travailler, et qui va se promener ou se coucher, et cela dans l'intention de ne rien faire. Sachez bien aussi que chacun aura à rendre compte de l'inutilité volontaire de son existence ; cette inutilité est toujours fatale au bonheur à venir. La somme du bonheur futur est en raison de la somme du bien que l'on a fait ; celle du malheur est en raison du mal et des malheureux que l'on a faits. »

989. Il y a des gens qui, sans être positivement méchants, rendent malheureux tous ceux qui les entourent par leur caractère ; quelle en est pour eux la conséquence ?

« Ces gens-là assurément ne sont pas bons, et ils l'expieront par la vue de ceux qu'ils ont rendus malheureux, et ce sera pour eux un reproche ; puis, dans une autre existence, ils endureront ce qu'ils ont fait endurer. »

Expiation et repentir.

990. Le repentir a-t-il lieu à l'état corporel ou à l'état spirituel ?
« A l'état spirituel ; mais il peut aussi avoir lieu à l'état corporel quand vous comprenez bien la différence du bien et du mal. »

991. Quelle est la conséquence du repentir à l'état spirituel ?

« Le désir d'une nouvelle incarnation pour se purifier. L'Esprit comprend les imperfections qui le privent d'être heureux, c'est pourquoi il aspire à une nouvelle existence où il pourra expier ses fautes. » (332-975).

992. Quelle est la conséquence du repentir à l'état corporel ?

« Avancer, dès la vie présente, si l'on a le temps de réparer ses fautes. Lorsque la conscience fait un reproche et montre une imperfection, on peut toujours s'améliorer. »

993. N'y a-t-il pas des hommes qui n'ont que l'instinct du mal et sont inaccessibles au repentir ?

« Je t'ai dit que l'on doit progresser sans cesse. Celui qui, dans cette vie, n'a que l'instinct du mal, aura celui du bien dans une autre, et c'est pour cela qu'il renaît plusieurs fois ; car il faut que tous avancent et atteignent le but, seulement les uns dans un temps plus court, les autres dans un temps plus long selon leur désir ; celui qui n'a que l'instinct du bien est déjà épuré, car il a pu avoir celui du mal dans une existence antérieure. » (804).

994. L'homme pervers qui n'a point reconnu ses fautes pendant sa vie les reconnaît-il toujours après sa mort ?

« Oui, il les reconnaît toujours, et alors il souffre davantage, car il ressent tout le mal qu'il a fait ou dont il a été la cause volontaire. Cependant, le repentir n'est pas toujours immédiat ; il y a des Esprits qui s'obstinent dans la mauvaise voie malgré leurs souffrances ; mais, tôt ou tard, ils reconnaîtront la fausse route dans laquelle ils sont engagés, et le repentir viendra. C'est à les éclairer que travaillent les bons Esprits, et que vous pouvez travailler vous-mêmes. »

995. Y a-t-il des Esprits qui, sans être mauvais, soient indifférents sur leur sort ?

« Il y a des Esprits qui ne s'occupent à rien d'utile : ils sont dans l'expectative ; mais ils souffrent, dans ce cas, en proportion ; et comme il doit y avoir progrès en tout, ce progrès se manifeste par la douleur. »

- N'ont-ils pas le désir d'abréger leurs souffrances ?

« Ils l'ont, sans doute, mais ils n'ont pas assez d'énergie pour vouloir ce qui pourrait les soulager. Combien avez-vous de gens parmi vous qui préfèrent mourir de misère plutôt que de travailler ? »

996. Puisque les Esprits voient le mal qui résulte pour eux de leurs imperfections, comment se fait-il qu'il y en ait qui aggravent leur position et prolongent leur état d'infériorité en faisant le mal comme Esprits, en détournant les hommes de la bonne voie ?

« Ce sont ceux dont le repentir est tardif qui agissent ainsi. L'Esprit qui se repent peut ensuite se laisser entraîner de nouveau dans la voie du mal par d'autres Esprits encore plus arriérés. » (971).

997. On voit des Esprits d'une infériorité notoire accessibles aux bons sentiments et touchés des prières qu'on fait pour eux. Comment se fait-il que d'autres Esprits, qu'on devrait croire plus éclairés, montrent un endurcissement et un cynisme dont rien ne peut triompher ?

« La prière n'a d'effet qu'en faveur de l'Esprit qui se repent ; celui qui, poussé par l'orgueil, se révolte contre Dieu et persiste dans ses égarements en les exagérant encore, comme le font de malheureux Esprits, sur ceux-là la prière ne peut rien et ne pourra rien, que du jour où une lueur de repentir se sera manifestée chez eux. » (664).

On ne doit pas perdre de vue que l'Esprit, après la mort du corps, n'est pas subitement transformé ; si sa vie a été répréhensible, c'est parce qu'il était imparfait ; or la mort ne rend pas immédiatement parfait ; il peut persister dans ses erreurs dans ses fausses opinions, dans ses préjugés, jusqu'à ce qu'il se soit éclairé par l'étude, la réflexion et la souffrance.

998. L'expiation s'accomplit-elle à l'état corporel ou à l'état d'Esprit ?

« L'expiation s'accomplit pendant l'existence corporelle par les épreuves auxquelles l'Esprit est soumis, et dans la vie spirituelle par les souffrances morales attachées à l'état d'infériorité de l'Esprit. »

999. Le repentir sincère pendant la vie suffit-il pour effacer les fautes, et faire trouver grâce devant Dieu ?

« Le repentir aide à l'amélioration de l'Esprit, mais le passé doit être expié. »

- Si, d'après cela, un criminel disait que, puisqu'il doit, en tout état de cause, expier son passé, il n'a pas besoin de repentir, qu'en résulterait-il pour lui ?

« S'il s'endurcit dans la pensée du mal, son expiation sera plus longue et plus pénible. »

1000. Pouvons-nous, dès cette vie, racheter nos fautes ?

« Oui, en les réparant ; mais ne croyez pas les racheter par quelques privations puériles, ou en donnant après votre mort quand vous n'aurez plus besoin de rien. Dieu ne tient aucun compte d'un repentir stérile, toujours facile, et qui ne coûte que la peine de se frapper la poitrine. La perte d'un petit doigt en rendant service efface plus de fautes que le supplice de la chair enduré pendant des années sans autre but que soi-même. (726).

Le mal n'est réparé que par le bien, et la réparation n'a aucun mérite si elle n'atteint l'homme ni dans son orgueil, ni dans ses intérêts matériels.

Que lui sert, pour sa justification, de restituer après sa mort le bien mal acquis, alors qu'il lui devient inutile et qu'il en a profité ?

Que lui sert la privation de quelques jouissances futiles et de quelques superfluités, si le tort qu'il a fait à autrui reste le même ?

Que lui sert enfin de s'humilier devant Dieu, s'il conserve son orgueil devant les hommes ? » (720-721).

1001. N'y a-t-il aucun mérite à assurer, après sa mort, un emploi utile des biens que nous possédons ?

« Aucun mérite n'est pas le mot ; cela vaut toujours mieux que rien ; mais le malheur est que celui qui ne donne qu'après sa mort est souvent plus égoïste que généreux ; il veut avoir l'honneur du bien sans en avoir la peine. Celui qui se prive, de son vivant, a double profit : le mérite du sacrifice et le plaisir de voir les heureux qu'il fait. Mais l'égoïsme est là qui lui dit : Ce que tu donnes, c'est autant de retranché sur tes jouissances ; et comme l'égoïsme crie plus fort que le désintéressement et la charité, il garde, sous prétexte de ses besoins et des nécessités de sa position. Ah ! plaignez celui qui ne connaît pas le plaisir de donner ; celui-là est vraiment déshérité d'une des plus pures et des plus suaves jouissances. Dieu, en le soumettant à l'épreuve de la fortune, si glissante et si dangereuse pour son avenir, a voulu lui donner pour compensation le bonheur de la générosité dont il peut jouir dès ici-bas. » (814).

1002. Que doit faire celui qui, à l'article de la mort, reconnaît ses fautes, mais n'a pas le temps de les réparer ? Se repentir suffit-il dans ce cas ?

« Le repentir hâte sa réhabilitation, mais il ne l'absout pas. N'a-t-il pas l'avenir devant lui qui ne lui est jamais fermé ? »

Durée des peines futures.

1003. La durée des souffrances du coupable, dans la vie future, est-elle arbitraire ou subordonnée à une loi quelconque ?
« Dieu n'agit jamais par caprice et tout, dans l'univers, est régi par des lois où se révèlent sa sagesse et sa bonté. »

1004. Sur quoi est basée la durée des souffrances du coupable ?

« Sur le temps nécessaire à son amélioration. L'état de souffrance et de bonheur étant proportionné au degré d'épuration de l'Esprit, la durée et la nature de ses souffrances dépendent du temps qu'il met à s'améliorer. A mesure qu'il progresse et que ses sentiments s'épurent, ses souffrances diminuent et changent de nature. »

SAINT LOUIS.
1005. Pour l'Esprit souffrant, le temps paraît-il aussi long ou moins long que s'il était vivant ?

« Il lui paraît plutôt plus long : le sommeil n'existe pas pour lui. Ce n'est que pour les Esprits arrivés à un certain degré d'épuration que le temps s'efface, pour ainsi dire, devant l'infini. » (240).

1006. La durée des souffrances de l'Esprit peut-elle être éternelle ?

« Sans doute, s'il était éternellement mauvais, c'est-à-dire s'il ne devait jamais se repentir ni s'améliorer, il souffrirait éternellement ; mais Dieu n'a pas créé des êtres pour qu'ils soient voués au mal à perpétuité ; il ne les a créés que simples et ignorants, et tous doivent progresser dans un temps plus ou moins long, selon leur volonté. La volonté peut être plus ou moins tardive, comme il y a des enfants plus ou moins précoces, mais elle vient tôt ou tard par l'irrésistible besoin qu'éprouve l'Esprit de sortir de son infériorité et d'être heureux. La loi qui régit la durée des peines est donc éminemment sage et bienveillante, puisqu'elle subordonne cette durée aux efforts de l'Esprit ; elle ne lui enlève jamais son libre arbitre : s'il en fait un mauvais usage, il en subit les conséquences. »

SAINT LOUIS
1007. Y a-t-il des Esprits qui ne se repentent jamais ?

« Il y en a dont le repentir est très tardif ; mais prétendre qu'ils ne s'amélioreront jamais, ce serait nier la loi du progrès, et dire que l'enfant ne peut devenir adulte. »

SAINT LOUIS.
1008. La durée des peines dépend-elle toujours de la volonté de l'Esprit, et n'y en a-t-il pas qui lui sont imposées pour un temps donné ?

« Oui, des peines peuvent lui être imposées pour un temps, mais Dieu, qui ne veut que le bien de ses créatures, accueille toujours le repentir, et le désir de s'améliorer n'est jamais stérile. »

SAINT LOUIS.
1009. D'après cela, les peines imposées ne le seraient jamais pour l'éternité ?

« Interrogez votre bon sens, votre raison, et demandez-vous si une condamnation perpétuelle pour quelques moments d'erreur ne serait pas la négation de la bonté de Dieu ? Qu'est-ce, en effet, que la durée de la vie, fût-elle de cent ans, par rapport à l'éternité ? Eternité ! comprenez-vous bien ce mot ? souffrances, tortures sans fin, sans espoir, pour quelques fautes ! Votre jugement ne repousse-t-il pas une pareille pensée ? Que les anciens aient vu dans le maître de l'univers un Dieu terrible, jaloux et vindicatif, cela se conçoit ; dans leur ignorance, ils ont prêté à la divinité les passions des hommes ; mais ce n'est pas là le Dieu des chrétiens, qui place l'amour, la charité, la miséricorde, l'oubli des offenses au rang des premières vertus : pourrait-il manquer lui-même des qualités dont il fait un devoir ? N'y a-t-il pas contradiction à lui attribuer la bonté infinie et la vengeance infinie ? Vous dites qu'avant tout il est juste, et que l'homme ne comprend pas sa justice ; mais la justice n'exclut pas la bonté, et il ne serait pas bon s'il vouait à des peines horribles, perpétuelles, la plus grande partie de ses créatures. Pourrait-il faire à ses enfants une obligation de la justice, s'il ne leur avait pas donné les moyens de la comprendre ? D'ailleurs, n'est-ce pas le sublime de la justice, unie à la bonté, de faire dépendre la durée des peines des efforts du coupable pour s'améliorer ? Là est la vérité de cette parole : « A chacun selon ses oeuvres. »

SAINT AUGUSTIN.
« Attachez-vous, par tous les moyens qui sont en votre pouvoir, à combattre, à anéantir l'idée de l'éternité des peines, pensée blasphématoire envers la justice et la bonté de Dieu, source la plus féconde de l'incrédulité, du matérialisme et de l'indifférence qui ont envahi les masses depuis que leur intelligence a commencé à se développer. L'Esprit, près de s'éclairer, ne fût-il que même dégrossi, en a bientôt saisi la monstrueuse injustice ; sa raison la repousse, et alors il manque rarement de confondre dans un même ostracisme et la peine qui le révolte et le Dieu auquel il l'attribue ; de là les maux sans nombre qui sont venus fondre sur vous et auxquels nous venons vous apporter remède. La tâche que nous vous signalons vous sera d'autant plus facile que les autorités sur lesquelles s'appuient les défenseurs de cette croyance ont toutes évité de se prononcer formellement ; ni les conciles, ni les Pères de l'Eglise n'ont tranché cette grave question. Si, d'après les Evangélistes eux-mêmes, et en prenant au pied de la lettre les paroles emblématiques du Christ, il a menacé les coupables d'un feu qui ne s'éteint pas, d'un feu éternel, il n'est absolument rien dans ses paroles qui prouve qu'il les ait condamnés éternellement.

Pauvres brebis égarées, sachez voir venir à vous le bon Pasteur qui, loin de vouloir vous bannir à tout jamais de sa présence, vient lui-même à votre rencontre pour vous ramener au bercail. Enfants prodigues, quittez votre exil volontaire ; tournez vos pas vers la demeure paternelle : le père vous tend les bras et se tient toujours prêt à fêter votre retour en famille. »

LAMENNAIS.
«  Guerres de mots ! guerres de mots ! n'avez-vous pas fait assez verser de sang ! faut-il donc encore rallumer les bûchers ? On discute sur les mots : éternité des peines, éternité des châtiments ; ne savez-vous donc pas que ce que vous entendez aujourd'hui par éternité, les anciens ne l'entendaient pas comme vous ? Que le théologien consulte les sources, et comme vous tous il y découvrira que le texte hébreu ne donnait pas au mot que les Grecs, les Latins et les modernes ont traduit par peines sans fin, irrémissibles, la même signification. Eternité des châtiments correspond à l'éternité du mal. Oui, tant que le mal existera parmi les hommes, les châtiments subsisteront ; c'est dans le sens relatif qu'il importe d'interpréter les textes sacrés. L'éternité des peines n'est donc que relative et non absolue. Qu'un jour advienne où tous les hommes se revêtiront, par la repentance, de la robe d'innocence, et ce jour-là plus de gémissements, plus de grincements de dents. Votre raison humaine est bornée, il est vrai, mais telle qu'elle est, c'est un présent de Dieu, et avec cette aide de la raison, il n'est pas un seul homme de bonne foi qui comprenne autrement l'éternité des châtiments. L'éternité des châtiments ! Quoi ! il faudrait donc admettre que le mal sera éternel. Dieu seul est éternel et n'a pu créer le mal éternel, sans cela il faudrait lui arracher le plus magnifique de ses attributs : la souveraine puissance, car celui-là n'est pas souverainement puissant qui peut créer un élément destructeur de ses oeuvres. Humanité ! humanité ! ne plonge donc plus tes mornes regards dans les profondeurs de la terre pour y chercher les châtiments ; pleure, espère, expie et réfugie-toi dans la pensée d'un Dieu intimement bon, absolument puissant, essentiellement juste. »
PLATON.
« Graviter vers l'unité divine, tel est le but de l'humanité ; pour y atteindre, trois choses sont nécessaires : la justice, l'amour et la science ; trois choses y sont opposées et contraires : l'ignorance, la haine et l'injustice. Eh bien ! je vous dis, en vérité, vous mentez à ces principes fondamentaux en compromettant l'idée de Dieu par l'exagération de sa sévérité ; vous la compromettez doublement en laissant pénétrer dans l'Esprit de la créature qu'il y a en elle plus de clémence, de mansuétude, d'amour et de véritable justice que vous n'en attribuez à l'être infini ; vous détruisez même l'idée de l'enfer en le rendant ridicule et inadmissible à vos croyances, comme l'est à vos coeurs le hideux spectacle des bourreaux, des bûchers et des tortures du moyen âge ! Quoi donc ! Est-ce quand l'ère des représailles aveugles est à jamais bannie des législations humaines que vous espérez la maintenir dans l'idéal ? Oh ! croyez-moi, croyez-moi, frères en Dieu et en Jésus-Christ, croyez-moi ou résignez-vous à laisser périr entre vos mains tous vos dogmes plutôt que de les laisser varier, ou bien revivifiez-les en les ouvrant aux bienfaisants effluves que les Bons y versent en ce moment. L'idée de l'enfer avec ses fournaises ardentes, avec ses chaudières bouillantes, put être tolérée, c'est-à-dire pardonnable dans un siècle de fer ; mais au dix-neuvième, ce n'est plus qu'un vain fantôme propre tout au plus à effrayer les petits enfants, et auquel les enfants ne croient plus quand ils sont grands. En persistant dans cette mythologie effrayante, vous engendrez l'incrédulité, mère de toute désorganisation sociale ; car je tremble en voyant tout un ordre social ébranlé et croulant sur sa base faute de sanction pénale. Hommes de foi ardente et vive, avant-garde du jour de la lumière, à l'oeuvre donc ! non pour maintenir des fables vieillies et désormais sans crédit, mais pour raviver, revivifier la véritable sanction pénale, sous des formes en rapport avec vos moeurs, vos sentiments et les lumières de votre époque.

Qu'est-ce, en effet, que le coupable ? Celui qui, par un écart, par un faux mouvement de l'âme s'éloigne du but de la création, qui consiste dans le culte harmonieux du beau, du bien, idéalisés par l'archétype humain, par l'Homme-Dieu, par Jésus-Christ.

Qu'est-ce que le châtiment ? La conséquence naturelle, dérivative de ce faux mouvement ; une somme de douleurs nécessaires pour le dégoûter de sa difformité, par l'expérimentation de la souffrance. Le châtiment, c'est l'aiguillon qui excite l'âme, par l'amertume, à se replier sur elle-même, et à revenir au rivage du salut. Le but du châtiment n'est autre que la réhabilitation, l'affranchissement. Vouloir que le châtiment soit éternel, pour une faute qui n'est pas éternelle, c'est lui nier toute raison d'être.

Oh ! je vous le dis en vérité, cessez, cessez de mettre en parallèle, dans leur éternité, le Bien, essence du Créateur, avec le Mal, essence de la créature ; ce serait créer là une pénalité injustifiable. Affirmez, au contraire, l'amortissement graduel des châtiments et des peines par les transmigrations, et vous consacrerez avec la raison unie au sentiment, l'unité divine. »

PAUL, APOTRE.
On veut exciter l'homme au bien, et le détourner du mal par l'appât de récompenses et la crainte de châtiments ; mais si ces châtiments sont présentés de manière à ce que la raison se refuse à y croire, ils n'auront sur lui aucune influence ; loin de là, il rejettera tout : la forme et le fond. Qu'on lui présente, au contraire, l'avenir d'une manière logique, et alors il ne le repoussera pas. Le spiritisme lui donne cette explication.

La doctrine de l'éternité des peines, dans le sens absolu, fait de l'être suprême un Dieu implacable. Serait-il logique de dire d'un souverain qu'il est très bon, très bienveillant, très indulgent, qu'il ne veut que le bonheur de ceux qui l'entourent, mais qu'en même temps il est jaloux, vindicatif, inflexible dans sa rigueur, et qu'il punit du dernier supplice les trois quarts de ses sujets pour une offense ou une infraction à ses lois, ceux mêmes qui ont failli pour ne les avoir pas connues ? Ne serait-ce pas là une contradiction ? Or, Dieu peut-il être moins bon que ne le serait un homme ?

Une autre contradiction se présente ici. Puisque Dieu sait tout, il savait donc en créant une âme qu'elle faillirait ; elle a donc été, dès sa formation, vouée au malheur éternel : cela est-il possible, rationnel ? Avec la doctrine des peines relatives, tout est justifié. Dieu savait, sans doute, qu'elle faillirait, mais il lui donne les moyens de s'éclairer par sa propre expérience, par ses fautes mêmes ; il est nécessaire qu'elle expie ses erreurs pour être mieux affermie dans le bien, mais la porte de l'espérance ne lui est pas fermée à tout jamais, et Dieu fait dépendre le moment de sa délivrance des efforts qu'elle fait pour y arriver. Voilà ce que tout le monde peut comprendre, ce que la logique la plus méticuleuse peut admettre. Si les peines futures eussent été présentées sous ce point de vue, il y aurait bien moins de sceptiques.

Le mot éternel est souvent employé, dans le langage vulgaire, comme figure, pour désigner une chose de longue durée et dont on ne prévoit pas le terme, quoique l'on sache très bien que ce terme existe. Nous disons, par exemple, les glaces éternelles des hautes montagnes, des pôles, quoique nous sachions, d'un côté, que le monde physique peut avoir une fin, et d'autre part, que l'état de ces régions peut changer par le déplacement normal de l'axe ou par un cataclysme. Le mot éternel, dans ce cas, ne veut donc pas dire perpétuel jusqu'à l'infini. Quand nous souffrons d'une longue maladie, nous disons que notre mal est éternel ; qu'y a-t-il donc d'étonnant à ce que des Esprits qui souffrent depuis des années, des siècles, des milliers d'années même, en disent autant ? N'oublions pas surtout que leur infériorité ne leur permettant pas de voir l'extrémité de la route, ils croient souffrir toujours, et que c'est pour eux une punition.

Au reste, la doctrine du feu matériel, des fournaises et des tortures empruntées au Tartare du paganisme, est aujourd'hui complètement abandonnée par la haute théologie, et ce n'est plus que dans les écoles que ces effrayants tableaux allégoriques sont encore donnés comme des vérités positives, par quelques hommes plus zélés qu'éclairés, et cela bien à tort, car ces jeunes imaginations, une fois revenues de leur terreur, pourront augmenter le nombre des incrédules. La théologie reconnaît aujourd'hui que le mot feu est employé au figuré, et doit s'entendre d'un feu moral (974). Ceux qui ont suivi comme nous les péripéties de la vie et des souffrances d'outre tombe, dans les communications spirites, ont pu se convaincre que, pour n'avoir rien de matériel, elles n'en sont pas moins poignantes. A l'égard même de leur durée, certains théologiens commencent à l'admettre dans le sens restrictif indiqué ci-dessus, et pensent qu'en effet le mot éternel peut s'entendre des peines en elles-mêmes, comme conséquences d'une loi immuable, et non de leur application à chaque individu. Le jour où la religion admettra cette interprétation, ainsi que quelques autres qui sont également la conséquence du progrès des lumières, elle ralliera bien des brebis égarées.

Résurrection de la chair.

1010. Le dogme de la résurrection de la chair est-il la consécration de celui de la réincarnation enseignée par les Esprits ?
« Comment voulez-vous qu'il en soit autrement ? Il en est de ces paroles comme de tant d'autres qui ne paraissent déraisonnables aux yeux de certaines personnes que parce qu'on les prend à la lettre, c'est pourquoi elles conduisent à l'incrédulité ; mais donnez-leur une interprétation logique, et ceux que vous appelez les libres penseurs les admettront sans difficulté, précisément parce qu'ils réfléchissent ; car, ne vous y trompez pas, ces libres penseurs ne demandent pas mieux que de croire ; ils ont, comme les autres, plus que d'autres peut-être, soif de l'avenir, mais ils ne peuvent admettre ce qui est controuvé par la science. La doctrine de la pluralité des existences est conforme à la justice de Dieu ; elle seule peut expliquer ce qui, sans elle, est inexplicable ; comment voudriez-vous que le principe n'en fût pas dans la religion elle-même ? »

- Ainsi l'Eglise, par le dogme de la résurrection de la chair, enseigne elle-même la doctrine de la réincarnation ?

« Cela est évident ; cette doctrine est d'ailleurs la conséquence de bien des choses qui ont passé inaperçues et que l'on ne tardera pas à comprendre dans ce sens ; avant peu on reconnaîtra que le spiritisme ressort à chaque pas du texte même des Ecritures sacrées. Les Esprits ne viennent donc pas renverser la religion, comme quelques-uns le prétendent ; ils viennent, au contraire, la confirmer, la sanctionner par des preuves irrécusables ; mais, comme le temps est venu de ne plus employer le langage figuré, ils s'expriment sans allégorie, et donnent aux choses un sens clair et précis qui ne puisse être sujet à aucune fausse interprétation. Voilà pourquoi, dans quelque temps, vous aurez plus de gens sincèrement religieux et croyants que vous n'en avez aujourd'hui. »

SAINT LOUIS.
La science, en effet, démontre l'impossibilité de la résurrection selon l'idée vulgaire. Si les débris du corps humain restaient homogènes, fussent-ils dispersés et réduits en poussière, on concevrait encore leur réunion à un temps donné ; mais les choses ne se passent point ainsi. Le corps est formé d'éléments divers : oxygène, hydrogène, azote, carbone, etc. ; par la décomposition, ces éléments se dispersent, mais pour servir à la formation de nouveaux corps ; de telle sorte que la même molécule, de carbone par exemple, sera entrée dans la composition de plusieurs milliers de corps différents (nous ne parlons que des corps humains, sans compter tous ceux des animaux) ; que tel individu a peut-être dans son corps des molécules ayant appartenu aux hommes des premiers âges ; que ces mêmes molécules organiques que vous absorbez dans votre nourriture proviennent peut-être du corps de tel autre individu que vous avez connu, et ainsi de suite. La matière étant en quantité définie, et ses transformations en quantités indéfinies, comment chacun de ces corps pourrait-il se reconstituer des mêmes éléments ? Il y a là une impossibilité matérielle. On ne peut donc rationnellement admettre la résurrection de la chair que comme une figure symbolisant le phénomène de la réincarnation, et alors rien qui choque la raison, rien qui soit en contradiction avec les données de la science.

Il est vrai que, selon le dogme, cette résurrection ne doit avoir lieu qu'à la fin des temps, tandis que, selon la doctrine spirite, elle a lieu tous les jours ; mais n'y a-t-il pas encore dans ce tableau du jugement dernier une grande et belle figure qui cache, sous le voile de l'allégorie, une de ces vérités immuables qui ne trouvera plus de sceptiques quand elle sera ramenée à sa véritable signification ? Qu'on veuille bien méditer la théorie spirite sur l'avenir des âmes et sur leur sort à la suite des différentes épreuves qu'elles doivent subir, et l'on verra qu'à l'exception de la simultanéité, le jugement qui condamne ou qui les absout n'est point une fiction, ainsi que le pensent les incrédules. Remarquons encore qu'elle est la conséquence naturelle de la pluralité des mondes, aujourd'hui parfaitement admise, tandis que, selon la doctrine du jugement dernier, la terre est censée le seul monde habité.

Paradis, enfer et purgatoire.

1012. Un lieu circonscrit dans l'univers est-il affecté aux peines et aux jouissances des Esprits, selon leurs mérites ?
« Nous avons déjà répondu à cette question. Les peines et les jouissances sont inhérentes au degré de perfection des Esprits ; chacun puise en soi-même le principe de son propre bonheur ou malheur ; et comme ils sont partout, aucun lieu circonscrit ni fermé n'est affecté à l'un plutôt qu'à l'autre. Quant aux Esprits incarnés, ils sont plus ou moins heureux ou malheureux, selon que le monde qu'ils habitent est plus ou moins avancé. »

- D'après cela, l'enfer et le paradis n'existeraient pas tels que l'homme se les représente ?

« Ce ne sont que des figures : il y a partout des Esprits heureux et malheureux. Cependant, comme nous l'avons dit aussi, les Esprits du même ordre se réunissent par sympathie ; mais ils peuvent se réunir où ils veulent quand ils sont parfaits. »

La localisation absolue des lieux de peines et de récompenses n'existe que dans l'imagination de l'homme ; elle provient de la tendance à matérialiser et à circonscrire les choses dont il ne peut comprendre l'essence infinie.

1013. Que doit-on entendre par le purgatoire ?

« Douleurs physiques et morales : c'est le temps de l'expiation. C'est presque toujours sur terre que vous faites votre purgatoire et que Dieu vous fait expier vos fautes. »

Ce que l'homme appelle purgatoire est de même une figure par laquelle on doit entendre, non pas un lieu déterminé quelconque, mais l'état des Esprits imparfaits qui sont en expiation jusqu'à la purification complète qui doit les élever au rang des Esprits bienheureux. Cette purification s'opérant dans les diverses incarnations, le purgatoire consiste dans les épreuves de la vie corporelle.

1014. Comment se fait-il que des Esprits qui, par leur langage, révèlent leur supériorité, aient répondu à des personnes très sérieuses, au sujet de l'enfer et du purgatoire, selon l'idée que l'on s'en fait vulgairement ?

« Ils parlent un langage compris des personnes qui les interrogent ; quand ces personnes sont trop imbues de certaines idées, ils ne veulent pas les heurter trop brusquement pour ne pas froisser leurs convictions. Si un Esprit allait dire, sans précautions oratoires, à un musulman que Mahomet n'est pas un prophète, il serait très mal reçu. »

- On conçoit qu'il puisse en être ainsi de la part des Esprits qui veulent nous instruire ; mais comment se fait-il que des Esprits interrogés sur leur situation aient répondu qu'ils souffraient les tortures de l'enfer ou du purgatoire ?

« Quand ils sont inférieurs, et pas complètement dématérialisés, ils conservent une partie de leurs idées terrestres, et ils rendent leurs impressions par les termes qui leur sont familiers. Ils se trouvent dans un milieu qui ne leur permet qu'à demi de sonder l'avenir, c'est ce qui est cause que souvent des Esprits errants, ou nouvellement dégagés, parleront comme ils l'auraient fait de leur vivant. Enfer peut se traduire par une vie d'épreuve extrêmement pénible, avec l'incertitude d'une meilleure ; purgatoire, une vie aussi d'épreuve, mais avec conscience d'un avenir meilleur. Lorsque tu éprouves une grande douleur, ne dis-tu pas toi-même que tu souffres comme un damné ? Ce ne sont que des mots, et toujours au figuré. »

1015. Que doit-on entendre par une âme en peine ?

« Une âme errante et souffrante, incertaine de son avenir, et à laquelle vous pouvez procurer un soulagement que souvent elle sollicite en venant se communiquer à vous. » (664).

1016. Dans quel sens doit-on entendre le mot ciel ?

« Crois-tu que ce soit un lieu, comme les Champs-Elysées des anciens, où tous les bons Esprits sont entassés pêle-mêle sans autre souci que de goûter pendant l'éternité une félicité passive ? Non ; c'est l'espace universel ; ce sont les planètes, les étoiles et tous les mondes supérieurs où les Esprits jouissent de toutes leurs facultés, sans avoir les tribulations de la vie matérielle, ni les angoisses inhérentes à l'infériorité. »

1017. Des Esprits ont dit habiter le 4°, le 5° ciel, etc. ; qu'entendaient-ils par là ?

« Vous leur demandez quel ciel ils habitent, parce que vous avez l'idée de plusieurs ciels placés comme les étages d'une maison ; alors, ils vous répondent selon votre langage ; mais pour eux, ces mots 4°, 5° ciel expriment différents degrés d'épuration, et par conséquent de bonheur. C'est absolument comme quand on demande à un Esprit s'il est dans l'enfer ; s'il est malheureux, il dira oui, parce que pour lui enfer est synonyme de souffrance ; mais il sait très bien que ce n'est pas une fournaise. Un païen aurait dit qu'il était dans le Tartare. »

Il en est de même d'autres expressions analogues, telles que celles de cité des fleurs, cité des élus, première, seconde ou troisième sphère, etc., qui ne sont que des allégories employées par certains Esprits, soit comme figures, soit quelquefois par ignorance de la réalité des choses et même des plus simples notions scientifiques.

Selon l'idée restreinte qu'on se faisait autrefois des lieux de peines et de récompenses, et surtout dans l'opinion que la terre était le centre de l'univers, que le ciel formait une voûte et qu'il y avait une région des étoiles, on plaçait le ciel en haut et l'enfer en bas ; de là les expressions : monter au ciel, être au plus haut des cieux, être précipité dans les enfers. Aujourd'hui que la science a démontré que la terre n'est qu'un des plus petits mondes parmi tant de millions d'autres, sans importance spéciale ; qu'elle a tracé l'histoire de sa formation et décrit sa constitution, prouvé que l'espace est infini, qu'il n'y a ni haut ni bas dans l'univers, il a bien fallu renoncer à placer le ciel au-dessus des nuages et l'enfer dans les lieux bas. Quant au purgatoire, aucune place ne lui avait été assignée. Il était réservé au spiritisme de donner sur toutes ces choses l'explication la plus rationnelle, la plus grandiose, et en même temps la plus consolante pour l'humanité. Ainsi l'on peut dire que nous portons en nous-mêmes notre enfer et notre paradis ; notre purgatoire, nous le trouvons dans notre incarnation, dans nos vies corporelles ou physiques.

1018. Dans quel sens faut-il entendre ces paroles du Christ : Mon royaume n'est pas de ce monde ?

« Le Christ, en répondant ainsi, parlait dans un sens figuré. Il voulait dire qu'il ne règne que sur les coeurs purs et désintéressés. Il est partout où domine l'amour du bien ; mais les hommes avides des choses de ce monde et attachés aux biens de la terre, ne sont pas avec lui. »

1019. Le règne du bien pourra-t-il jamais avoir lieu sur la terre ?

« Le bien régnera sur la terre quand, parmi les Esprits qui viennent l'habiter, les bons l'emporteront sur les mauvais ; alors, ils y feront régner l'amour et la justice qui sont la source du bien et du bonheur. C'est par le progrès moral et par la pratique des lois de Dieu que l'homme attirera sur la terre les bons Esprits, et qu'il en éloignera les mauvais ; mais les mauvais ne la quitteront que lorsqu'il en aura banni l'orgueil et l'égoïsme.

La transformation de l'humanité a été prédite, et vous touchez à ce moment que hâtent tous les hommes qui aident au progrès ; elle s'accomplira par l'incarnation des Esprits meilleurs qui constitueront sur la terre une nouvelle génération. Alors, les Esprits des méchants que la mort moissonne chaque jour, et tous ceux qui tentent d'arrêter la marche des choses en seront exclus, car ils seraient déplacés parmi les hommes de bien dont ils troubleraient la félicité. Ils iront dans des mondes nouveaux, moins avancés, remplir des missions pénibles où ils pourront travailler à leur propre avancement, en même temps qu'ils travailleront à l'avancement de leurs frères encore plus arriérés. Ne voyez-vous pas dans cette exclusion de la terre transformée la sublime figure du Paradis perdu, et dans l'homme venu sur la terre dans de semblables conditions, et portant en soi le germe de ses passions et les traces de son infériorité primitive, la figure non moins sublime du péché originel ? Le péché originel, considéré sous ce point de vue, tient à la nature encore imparfaite de l'homme qui n'est ainsi responsable que de lui-même et de ses propres fautes, et non de celles de ses pères.

Vous tous, hommes de foi et de bonne volonté, travaillez donc avec zèle et courage au grand oeuvre de la régénération, car vous recueillerez au centuple le grain que vous aurez semé. Malheur à ceux qui ferment les yeux à la lumière, car ils se préparent de longs siècles de ténèbres et de déceptions ; malheur à ceux qui mettent toutes leurs joies dans les biens de ce monde, car ils endureront plus de privations qu'ils n'auront eu de jouissances ; malheur surtout aux égoïstes, car ils ne trouveront personne pour les aider à porter le fardeau de leurs misères. »

SAINT LOUIS.

CONCLUSION

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I

Celui qui ne connaîtrait en fait de magnétisme terrestre que le jeu des petits canards aimantés qu'on fait manoeuvrer sur l'eau d'une cuvette, pourrait difficilement comprendre que ce joujou renferme le secret du mécanisme de l'univers et du mouvement des mondes. Il en est de même de celui qui ne connaît du spiritisme que le mouvement des tables ; il n'y voit qu'un amusement, un passe-temps de société, et ne comprend pas que ce phénomène si simple et si vulgaire, connu de l'antiquité et même des peuples à demi sauvages, puisse se rattacher aux questions les plus graves de l'ordre social. Pour l'observateur superficiel, en effet, quel rapport une table qui tourne peut-elle avoir avec la morale et l'avenir de l'humanité ? Mais quiconque réfléchit, se rappelle que de la simple marmite qui, elle aussi, a bouilli de toute antiquité, est sorti le puissant moteur avec lequel l'homme franchit l'espace et supprime les distances. Eh bien ! vous, qui ne croyez à rien en dehors du monde matériel, sachez donc que de cette table qui tourne et provoque vos sourires dédaigneux, est sortie toute une science ainsi que la solution des problèmes qu'aucune philosophie n'avait encore pu résoudre. J'en appelle à tous les adversaires de bonne foi, et je les adjure de dire s'ils se sont donné la peine d'étudier ce qu'ils critiquent ; car, en bonne logique, la critique n'a de valeur qu'autant que celui qui la fait connaît ce dont il parle. Se railler d'une chose qu'on ne connaît pas, qu'on n'a pas sondée avec le scalpel de l'observateur consciencieux, ce n'est pas critiquer, c'est faire preuve de légèreté et donner une pauvre idée de son propre jugement. Assurément, si nous eussions présenté cette philosophie comme étant l'oeuvre d'un cerveau humain, elle eût rencontré moins de dédains, et aurait eu les honneurs de l'examen de ceux qui prétendent diriger l'opinion ; mais elle vient des Esprits ; quelle absurdité ! C'est à peine si elle mérite un de leurs regards ; on la juge sur le titre, comme le singe de la fable jugeait la noix sur l'écorce. Faites, si vous le voulez, abstraction de l'origine ; supposez que ce livre soit l'oeuvre d'un homme, et dites en votre âme et conscience si, après l'avoir lu sérieusement, vous y trouvez matière à raillerie.

II

Le spiritisme est l'antagoniste le plus redoutable du matérialisme ; il n'est donc pas étonnant qu'il ait les matérialistes pour adversaires ; mais comme le matérialisme est une doctrine que l'on ose à peine avouer (preuve que ceux qui la professent ne se croient pas bien forts, et qu'ils sont dominés par leur conscience), ils se couvrent du manteau de la raison et de la science ; et, chose bizarre, les plus sceptiques parlent même au nom de la religion qu'ils ne connaissent et ne comprennent pas mieux que le spiritisme. Leur point de mire est surtout le merveilleux et le surnaturel qu'ils n'admettent pas ; or, selon eux, le spiritisme étant fondé sur le merveilleux, ne peut être qu'une supposition ridicule. Ils ne réfléchissent pas qu'en faisant, sans restriction, le procès du merveilleux et du surnaturel, ils font celui de la religion ; en effet, la religion est fondée sur la révélation et les miracles ; or, qu'est-ce que la révélation, sinon des communications extra-humaines ? Tous les auteurs sacrés, depuis Moïse, ont parlé de ces sortes de communications. Qu'est-ce que les miracles sinon des faits merveilleux et surnaturels par excellence, puisque ce sont, dans le sens liturgique, des dérogations aux lois de la nature ? Donc, en rejetant le merveilleux et le surnaturel, ils rejettent les bases mêmes de la religion. Mais ce n'est pas à ce point de vue que nous devons envisager la chose. Le spiritisme n'a pas à examiner s'il y a ou non des miracles, c'est-à-dire si Dieu a pu, dans certains cas, déroger aux lois éternelles qui régissent l'univers ; il laisse, à cet égard, toute liberté de croyance ; il dit et il prouve que les phénomènes sur lesquels il s'appuie n'ont de surnaturel que l'apparence ; ces phénomènes ne sont tels aux yeux de certaines gens que parce qu'ils sont insolites et en dehors des faits connus ; mais ils ne sont pas plus surnaturels que tous les phénomènes dont la science donne aujourd'hui la solution, et qui paraissaient merveilleux à une autre époque. Tous les phénomènes spirites, sans exception, sont la conséquence de lois générales ; ils nous révèlent une des puissances de la nature, puissance inconnue, ou pour mieux dire incomprise jusqu'ici, mais que l'observation démontre être dans l'ordre des choses. Le spiritisme repose donc moins sur le merveilleux et le surnaturel que la religion elle-même ; ceux qui l'attaquent sous ce rapport, c'est donc qu'ils ne le connaissent pas, et fussent-ils les hommes les plus savants, nous leur dirons : si votre science, qui vous a appris tant de choses, ne vous a pas appris que le domaine de la nature est infini, vous n'êtes savants qu'à demi.

III

Vous voulez, dites-vous, guérir votre siècle d'une manie qui menace d'envahir le monde. Aimeriez-vous mieux que le monde fût envahi par l'incrédulité que vous cherchez à propager ? N'est-ce pas à l'absence de toute croyance qu'il faut attribuer le relâchement des liens de famille et la plupart des désordres qui minent la société ? En démontrant l'existence et l'immortalité de l'âme, le spiritisme ranime la foi en l'avenir, relève les courages abattus, fait supporter avec résignation les vicissitudes de la vie ; oseriez-vous appeler cela un mal ? Deux doctrines sont en présence : l'une qui nie l'avenir, l'autre qui le proclame et le prouve ; l'une qui n'explique rien, l'autre qui explique tout et par cela même s'adresse à la raison ; l'une est la sanction de l'égoïsme, l'autre donne une base à la justice, à la charité et à l'amour de ses semblables ; la première ne montre que le présent et anéantit toute espérance, la seconde console et montre le vaste champ de l'avenir ; quelle est la plus pernicieuse ?

Certaines gens, et parmi les plus sceptiques, se font les apôtres de la fraternité et du progrès ; mais la fraternité suppose le désintéressement, l'abnégation de la personnalité ; avec la véritable fraternité, l'orgueil est une anomalie. De quel droit imposez-vous un sacrifice à celui à qui vous dites que quand il est mort tout est fini pour lui ; que demain peut-être il ne sera pas plus qu'une vieille machine disloquée et jetée à la borne ? Quelle raison a-t-il de s'imposer une privation quelconque ? N'est-il pas plus naturel que pendant les courts instants que vous lui accordez, il cherche à vivre le mieux possible ? De là le désir de posséder beaucoup pour mieux jouir ; de ce désir naît la jalousie contre ceux qui possèdent plus que lui ; et de cette jalousie à l'envie de prendre ce qu'ils ont, il n'y a qu'un pas. Qu'est-ce qui le retient ? Est-ce la loi ? Mais la loi n'atteint pas tous les cas. Direz-vous que c'est la conscience, le sentiment du devoir ? Mais sur quoi basez-vous le sentiment du devoir ? Ce sentiment a-t-il une raison d'être avec la croyance que tout finit avec la vie ? Avec cette croyance une seule maxime est rationnelle : chacun pour soi ; les idées de fraternité, de conscience, de devoir, d'humanité, de progrès même, ne sont que de vains mots. Oh ! vous qui proclamez de semblables doctrines, vous ne savez pas tout le mal que vous faites à la société, ni de combien de crimes vous assumez la responsabilité ! Mais que parlé-je de responsabilité ? Pour le sceptique, il n'y en a point ; il ne rend hommage qu'à la matière.

IV

Le progrès de l'humanité a son principe dans l'application de la loi de justice, d'amour et de charité ; cette loi est fondée sur la certitude de l'avenir ; ôtez cette certitude, vous lui ôtez sa pierre fondamentale. De cette loi dérivent toutes les autres, car elle renferme toutes les conditions du bonheur de l'homme ; elle seule peut guérir les plaies de la société, et il peut juger, par la comparaison des âges et des peuples, combien sa condition s'améliore à mesure que cette loi est mieux comprise et mieux pratiquée. Si une application partielle et incomplète produit un bien réel, que sera-ce donc quand il en aura fait la base de toutes ses institutions sociales ! Cela est-il possible ? Oui ; car puisqu'il a fait dix pas, il peut en faire vingt, et ainsi de suite. On peut donc juger de l'avenir par le passé. Déjà, nous voyons s'éteindre peu à peu les antipathies de peuple à peuple ; les barrières qui les séparaient s'abaissent devant la civilisation ; ils se donnent la main d'un bout du monde à l'autre ; une plus grande justice préside aux lois internationales ; les guerres deviennent de plus en plus rares, et elles n'excluent point les sentiments d'humanité ; l'uniformité s'établit dans les relations ; les distinctions de races et de castes s'effacent, et les hommes de croyances différentes font taire les préjugés de sectes pour se confondre dans l'adoration d'un seul Dieu. Nous parlons des peuples qui marchent à la tête de la civilisation (789-793). Sous tous ces rapports, on est encore loin de la perfection, et il y a encore bien de vieilles ruines à abattre, jusqu'à ce qu'aient disparu les derniers vestiges de la barbarie ; mais ces ruines pourront-elles tenir contre la puissance irrésistible du progrès, contre cette force vive qui est elle-même une loi de la nature ? Si la génération présente est plus avancée que la génération passée, pourquoi celle qui nous succédera ne le serait-elle pas plus que la nôtre ? Elle le sera par la force des choses ; d'abord, parce qu'avec les générations s'éteignent chaque jour quelques champions des vieux abus, et qu'ainsi la société se forme peu à peu d'éléments nouveaux qui se sont dépouillés des vieux préjugés ; en second lieu, parce que l'homme voulant le progrès, il étudie les obstacles et s'attache à les renverser. Dès lors que le mouvement progressif est incontestable, le progrès à venir ne saurait être douteux. L'homme veut être heureux, c'est dans la nature ; or, il ne cherche le progrès que pour augmenter la somme de son bonheur, sans cela le progrès serait sans objet ; où serait le progrès pour lui, si ce progrès ne devait pas améliorer sa position ? Mais quand il aura la somme de jouissances que peut donner le progrès intellectuel, il s'apercevra qu'il n'a pas le bonheur complet ; il reconnaîtra que ce bonheur est impossible sans la sécurité des relations sociales ; et cette sécurité, il ne peut la trouver que dans le progrès moral ; donc, par la force des choses, il poussera lui-même le progrès dans cette voie, et le spiritisme lui offrira le plus puissant levier pour atteindre ce but.

V

Ceux qui disent que les croyances spirites menacent d'envahir le monde, en proclament par cela même la puissance, car une idée sans fondement et dénuée de logique ne saurait devenir universelle ; si donc le spiritisme s'implante partout, s'il se recrute surtout dans les classes éclairées, ainsi que chacun le reconnaît, c'est qu'il a un fond de vérité. Contre cette tendance, tous les efforts de ses détracteurs seront vains, et ce qui le prouve, c'est que le ridicule même dont ils ont cherché à le couvrir, loin d'en arrêter l'essor, semble lui avoir donné une nouvelle vie. Ce résultat justifie pleinement ce que nous ont maintes fois dit les Esprits : « Ne vous inquiétez pas de l'opposition ; tout ce que l'on fera contre vous tournera pour vous, et vos plus grands adversaires serviront votre cause sans le vouloir. Contre la volonté de Dieu, la mauvaise volonté des hommes ne saurait prévaloir. »

Par le spiritisme, l'humanité doit entrer dans une phase nouvelle, celle du progrès moral qui en est la conséquence inévitable. Cessez donc de vous étonner de la rapidité avec laquelle se propagent les idées spirites ; la cause en est dans la satisfaction qu'elles procurent à tous ceux qui les approfondissent, et qui y voient autre chose qu'un futile passe-temps ; or, comme on veut son bonheur avant tout, il n'est pas étonnant qu'on s'attache à une idée qui rend heureux.

Le développement de ces idées présente trois périodes distinctes : la première est celle de la curiosité provoquée par l'étrangeté des phénomènes qui se sont produits ; la seconde celle du raisonnement et de la philosophie ; la troisième celle de l'application et des conséquences. La période de la curiosité est passée ; la curiosité n'a qu'un temps : une fois satisfaite, on en quitte l'objet pour passer à un autre ; il n'en est pas de même de ce qui s'adresse à la pensée sérieuse et au jugement. La seconde période a commencé, la troisième suivra inévitablement. Le spiritisme a surtout progressé depuis qu'il est mieux compris dans son essence intime, depuis qu'on en voit la portée, parce qu'il touche à la corde la plus sensible de l'homme : celle de son bonheur, même en ce monde ; là est la cause de sa propagation, le secret de la force qui le fera triompher. Il rend heureux ceux qui le comprennent, en attendant que son influence s'étende sur les masses. Celui même qui n'a été témoin d'aucun phénomène matériel de manifestations se dit : en dehors de ces phénomènes, il y a la philosophie ; cette philosophie m'explique ce que NULLE autre ne m'avait expliqué ; j'y trouve, par le seul raisonnement, une démonstration rationnelle des problèmes qui intéressent au plus haut point mon avenir ; elle me procure le calme, la sécurité, la confiance ; elle me délivre du tourment de l'incertitude ; à côté de cela la question des faits matériels est une question secondaire. Vous tous qui l'attaquez, voulez-vous un moyen de le combattre avec succès ? Le voici. Remplacez-le par quelque chose de mieux ; trouvez une solution PLUS PHILOSOPHIQUE à toutes les questions qu'il résout ; donnez à l'homme une AUTRE CERTITUDE qui le rende plus heureux, et comprenez bien la portée de ce mot certitude, car l'homme n'accepte comme certain que ce qui lui paraît logique ; ne vous contentez pas de dire cela n'est pas, c'est trop facile ; prouvez, non par une négation, mais par des faits, que cela n'est pas, n'a jamais été et ne PEUT pas être ; si cela n'est pas, dites surtout ce qu'il y aurait à la place ; prouvez enfin que les conséquences du spiritisme ne sont pas de rendre les hommes meilleurs, et partant plus heureux, par la pratique de la plus pure morale évangélique, morale qu'on loue beaucoup, mais qu'on pratique si peu. Quand vous aurez fait cela, vous aurez le droit de l'attaquer. Le spiritisme est fort parce qu'il s'appuie sur les bases mêmes de la religion : Dieu, l'âme, les peines et les récompenses futures ; parce que surtout il montre ces peines et ces récompenses comme des conséquences naturelles de la vie terrestre, et que rien, dans le tableau qu'il offre de l'avenir, ne peut être désavoué par la raison la plus exigeante. Vous, dont toute la doctrine consiste dans la négation de l'avenir, quelle compensation offrez-vous pour les souffrances d'ici-bas ? Vous vous appuyez sur l'incrédulité, il s'appuie sur la confiance en Dieu ; tandis qu'il convie les hommes au bonheur, à l'espérance, à la véritable fraternité, vous, vous lui offrez le NEANT pour perspective, et l'EGOISME pour consolation ; il explique tout, vous n'expliquez rien ; il prouve par les faits, et vous ne prouvez rien ; comment voulez-vous qu'on balance entre les deux doctrines ?

VI

Ce serait se faire une bien fausse idée du spiritisme de croire qu'il puise sa force dans la pratique des manifestations matérielles, et qu'ainsi en entravant ces manifestations on peut le miner dans sa base. Sa force est dans sa philosophie, dans l'appel qu'il fait à la raison, au bon sens. Dans l'antiquité, il était l'objet d'études mystérieuses, soigneusement cachées au vulgaire ; aujourd'hui, il n'a de secrets pour personne ; il parle un langage clair, sans ambiguïté ; chez lui, rien de mystique, point d'allégories susceptibles de fausses interprétations : il veut être compris de tous, parce que le temps est venu de faire connaître la vérité aux hommes ; loin de s'opposer à la diffusion de la lumière, il la veut pour tout le monde ; il ne réclame pas une croyance aveugle, il veut que l'on sache pourquoi l'on croit ; en s'appuyant sur la raison, il sera toujours plus fort que ceux qui s'appuient sur le néant. Les entraves que l'on tenterait d'apporter à la liberté des manifestations pourraient-elles les étouffer ? Non, car elles produiraient l'effet de toutes les persécutions : celui d'exciter la curiosité et le désir de connaître ce qui serait défendu. D'un autre côté, si les manifestations spirites étaient le privilège d'un seul homme, nul doute qu'en mettant cet homme de côté, on ne mit fin aux manifestations ; malheureusement pour les adversaires, elles sont à la disposition de tout le monde, et l'on en use depuis le plus petit jusqu'au plus grand, depuis le palais jusqu'à la mansarde. On peut en interdire l'exercice public ; mais on sait précisément que ce n'est pas en public qu'elles se produisent le mieux : c'est dans l'intimité ; or, chacun pouvant être médium, qui peut empêcher une famille dans son intérieur, un individu dans le silence du cabinet, le prisonnier sous les verrous, d'avoir des communications avec les Esprits, à l'insu et à la face même des sbires ? Si on les interdit dans un pays, les empêchera-t-on dans les pays voisins, dans le monde entier, puisqu'il n'y a pas une contrée, dans les deux continents, où il n'y ait des médiums ? Pour incarcérer tous les médiums, il faudrait incarcérer la moitié du genre humain ; en vînt-on même, ce qui ne serait guère plus facile, à brûler tous les livres spirites, que le lendemain ils seraient reproduits, parce que la source en est inattaquable, et qu'on ne peut ni incarcérer ni brûler les Esprits qui en sont les véritables auteurs.

Le spiritisme n'est pas l'oeuvre d'un homme ; nul ne peut s'en dire le créateur, car il est aussi ancien que la création ; il se trouve partout, dans toutes les religions et dans la religion catholique plus encore, et avec plus d'autorité que dans toutes les autres, car on y trouve le principe de tout : les Esprits de tous les degrés, leurs rapports occultes et patents avec les hommes, les anges gardiens, la réincarnation, l'émancipation de l'âme pendant la vie, la double vue, les visions, les manifestations de tout genre, les apparitions et même les apparitions tangibles. A l'égard des démons, ce ne sont autre chose que les mauvais Esprits et, sauf la croyance que les premiers sont voués au mal à perpétuité, tandis que la voie du progrès n'est pas interdite aux autres, il n'y a entre eux qu'une différence de nom.

Que fait la science spirite moderne ? Elle rassemble en un corps ce qui était épars ; elle explique en termes propres ce qui ne l'était qu'en langage allégorique ; elle élague ce que la superstition et l'ignorance ont enfanté pour ne laisser que la réalité et le positif : voilà son rôle ; mais celui de fondatrice ne lui appartient pas ; elle montre ce qui est, elle coordonne, mais elle ne crée rien, car ses bases sont de tous les temps et de tous les lieux ; qui donc oserait se croire assez fort pour l'étouffer sous les sarcasmes et même sous la persécution ? Si on la proscrit d'un côté, elle renaîtra en d'autres lieux, sur le terrain même d'où on l'aura bannie, parce qu'elle est dans la nature et qu'il n'est pas donné à l'homme d'anéantir une puissance de la nature, ni de mettre son veto sur les décrets de Dieu.

Quel intérêt, du reste, aurait-on à entraver la propagation des idées spirites ? Ces idées, il est vrai, s'élèvent contre les abus qui naissent de l'orgueil et de l'égoïsme ; mais ces abus, dont quelques-uns profitent, nuisent à la masse ; il aura donc pour lui la masse, et n'aura pour adversaires sérieux que ceux qui sont intéressés à maintenir ces abus. Par leur influence, au contraire, ces idées, rendant les hommes meilleurs les uns pour les autres, moins avides des intérêts matériels et plus résignés aux décrets de la Providence, sont un gage d'ordre et de tranquillité.

VII

Le spiritisme se présente sous trois aspects différents : le fait des manifestations, les principes de philosophie et de morale qui en découlent, et l'application de ces principes ; de là trois classes, ou plutôt trois degrés parmi les adeptes : 1° ceux qui croient aux manifestations et se bornent à les constater : c'est pour eux une science d'expérimentation ; 2° ceux qui en comprennent les conséquences morales ; 3° ceux qui pratiquent ou s'efforcent de pratiquer cette morale. Quel que soit le point de vue, scientifique ou moral, sous lequel on envisage ces phénomènes étranges, chacun comprend que c'est tout un nouvel ordre d'idées qui surgit, dont les conséquences ne peuvent être qu'une profonde modification dans l'état de l'humanité, et chacun comprend aussi que cette modification ne peut avoir lieu que dans le sens du bien.

Quant aux adversaires, on peut aussi les classer en trois catégories : 1° ceux qui nient par système tout ce qui est nouveau ou ne vient pas d'eux, et qui en parlent sans connaissance de cause. A cette classe appartiennent tous ceux qui n'admettent rien en dehors du témoignage des sens ; ils n'ont rien vu, ne veulent rien voir, et encore moins approfondir ; ils seraient même fâchés de voir trop clair, de peur d'être forcés de convenir qu'ils n'ont pas raison ; pour eux, le spiritisme est une chimère, une folie, une utopie, il n'existe pas : c'est plutôt dit. Ce sont les incrédules de parti pris. A côté d'eux, on peut placer ceux qui ont daigné jeter un coup d'oeil pour l'acquit de leur conscience, afin de pouvoir dire : J'ai voulu voir et je n'ai rien vu ; ils ne comprennent pas qu'il faille plus d'une demi-heure pour se rendre compte de toute une science. - 2° Ceux qui, sachant très bien à quoi s'en tenir sur la réalité des faits, les combattent néanmoins par des motifs d'intérêt personnel. Pour eux, le spiritisme existe, mais ils ont peur de ses conséquences ; ils l'attaquent comme un ennemi. - 3° Ceux qui trouvent dans la morale spirite une censure trop sévère de leurs actes ou de leurs tendances. Le spiritisme pris au sérieux les gênerait ; ils ne rejettent ni n'approuvent : ils préfèrent fermer les yeux. Les premiers sont sollicités par l'orgueil et la présomption ; les seconds, par l'ambition ; les troisièmes, par l'égoïsme. On conçoit que ces causes d'opposition, n'ayant rien de solide, doivent disparaître avec le temps, car nous chercherions en vain une quatrième classe d'antagonistes, celle qui s'appuierait sur des preuves contraires patentes, et attestant une étude consciencieuse et laborieuse de la question ; tous n'opposent que la négation, aucun n'apporte de démonstration sérieuse et irréfutable.

Ce serait trop présumer de la nature humaine de croire qu'elle puisse se transformer subitement par les idées spirites. Leur action n'est assurément ni la même, ni au même degré chez tous ceux qui les professent ; mais, quel qu'il soit, le résultat, tant faible soit-il, est toujours une amélioration, ne fût-ce que de donner la preuve de l'existence d'un monde extra-corporel, ce qui implique la négation des doctrines matérialistes. Ceci est la conséquence même de l'observation des faits ; mais chez ceux qui comprennent le spiritisme philosophique et y voient autre chose que des phénomènes plus ou moins curieux, il a d'autres effets ; le premier, et le plus général, est de développer le sentiment religieux chez celui même qui, sans être matérialiste, n'a que de l'indifférence pour les choses spirituelles. Il en résulte chez lui le mépris de la mort ; nous ne disons pas le désir de la mort, loin de là, car le spirite défendra sa vie comme un autre, mais une indifférence qui fait accepter, sans murmure et sans regret, une mort inévitable, comme une chose plutôt heureuse que redoutable, par la certitude de l'état qui lui succède. Le second effet, presque aussi général que le premier, est la résignation dans les vicissitudes de la vie. Le spiritisme fait voir les choses de si haut, que la vie terrestre perdant les trois quarts de son importance, on ne s'affecte plus autant des tribulations qui l'accompagnent : de là, plus de courage dans les afflictions, plus de modération dans les désirs ; de là aussi l'éloignement de la pensée d'abréger ses jours, car la science spirite apprend que, par le suicide, on perd toujours ce qu'on voulait gagner. La certitude d'un avenir qu'il dépend de nous de rendre heureux, la possibilité d'établir des rapports avec des êtres qui nous sont chers, offrent au spirite une suprême consolation ; son horizon grandit jusqu'à l'infini par le spectacle incessant qu'il a de la vie d'outre-tombe, dont il peut sonder les mystérieuses profondeurs. Le troisième effet est d'exciter à l'indulgence pour les défauts d'autrui ; mais, il faut bien le dire, le principe égoïste et tout ce qui en découle sont ce qu'il y a de plus tenace en l'homme et, par conséquent, de plus difficile à déraciner ; on fait volontiers des sacrifices, pourvu qu'ils ne coûtent rien, et surtout ne privent de rien ; l'argent a encore pour le plus grand nombre un irrésistible attrait, et bien peu comprennent le mot superflu, quand il s'agit de leur personne ; aussi, l'abnégation de la personnalité est-elle le signe du progrès le plus éminent.

VIII

Les Esprits, disent certaines personnes, nous enseignent-ils une morale nouvelle, quelque chose de supérieur à ce qu'a dit le Christ ? Si cette morale n'est autre que celle de l'Evangile, à quoi bon le spiritisme ? Ce raisonnement ressemble singulièrement à celui du calife Omar parlant de la bibliothèque d'Alexandrie : « Si elle ne contient, disait-il, que ce qu'il y a dans le Koran, elle est inutile, donc il faut la brûler ; si elle renferme autre chose, elle est mauvaise, donc il faut encore la brûler. » Non, le spiritisme ne renferme pas une morale différente de celle de Jésus ; mais nous demanderons à notre tour si, avant le Christ, les hommes n'avaient pas la loi donnée par Dieu à Moïse ? Sa doctrine ne se trouve-t-elle pas dans le Décalogue ? Dira-t-on, pour cela, que la morale de Jésus était inutile ? Nous demanderons encore à ceux qui dénient l'utilité de la morale spirite, pourquoi celle du Christ est si peu pratiquée, et pourquoi, ceux-là mêmes qui en proclament à juste titre la sublimité sont les premiers à violer la première de ses lois : La charité universelle. Les Esprits viennent non seulement la confirmer, mais ils nous en montrent l'utilité pratique ; ils rendent intelligibles et patentes des vérités qui n'avaient été enseignées que sous la forme allégorique ; et à côté de la morale, ils viennent définir les problèmes les plus abstraits de la psychologie.

Jésus est venu montrer aux hommes la route du vrai bien ; pourquoi Dieu, qui l'avait envoyé pour rappeler sa loi méconnue, n'enverrait-il pas aujourd'hui les Esprits pour la leur rappeler de nouveau et avec plus de précision, alors qu'ils l'oublient pour tout sacrifier à l'orgueil et à la cupidité ? Qui oserait poser des bornes à la puissance de Dieu et lui tracer ses voies ? Qui dit que, comme l'affirment les Esprits, les temps prédits ne sont pas accomplis, et que nous ne touchons pas à ceux où des vérités mal comprises ou faussement interprétées doivent être ostensiblement révélées au genre humain pour hâter son avancement ? N'y a-t-il pas quelque chose de providentiel dans ces manifestations qui se produisent simultanément sur tous les points du globe ? Ce n'est pas un seul homme, un prophète qui vient nous avertir, c'est de partout que la lumière surgit ; c'est tout un monde nouveau qui se déroule à nos yeux. Comme l'invention du microscope nous a découvert le monde des infiniment petits que nous ne soupçonnions pas ; comme le télescope nous a découvert les milliers de mondes que nous ne soupçonnions pas davantage, les communications spirites nous révèlent le monde invisible qui nous entoure, nous coudoie sans cesse, et prend à notre insu part à tout ce que nous faisons. Quelque temps encore, et l'existence de ce monde, qui est celui qui nous attend, sera aussi incontestable que celle du monde microscopique et des globes perdus dans l'espace. N'est-ce donc rien que de nous avoir fait connaître tout un monde ; de nous avoir initiés aux mystères de la vie d'outre-tombe ? Il est vrai que ces découvertes, si l'on peut y donner ce nom, contrarient quelque peu certaines idées reçues ; mais est-ce que toutes les grandes découvertes scientifiques n'ont pas également modifié, bouleversé même les idées les plus accréditées, et n'a-t-il pas fallu que notre amour-propre se courbât devant l'évidence ? Il en sera de même à l'égard du spiritisme et, avant peu, il aura droit de cité parmi les connaissances humaines.

Les communications avec les êtres d'outre-tombe ont eu pour résultat de nous faire comprendre la vie future, de nous la faire voir, de nous initier aux peines et aux jouissances qui nous y attendent selon nos mérites, et par cela même de ramener au spiritualisme ceux qui ne voyaient en nous que de la matière, qu'une machine organisée ; aussi avons-nous eu raison de dire que le spiritisme a tué le matérialisme par les faits. N'eût-il produit que ce résultat, l'ordre social lui en devrait de la reconnaissance ; mais il fait plus : il montre les inévitables effets du mal et, par conséquent, la nécessité du bien. Le nombre de ceux qu'il a ramenés à des sentiments meilleurs, dont il a neutralisé les tendances mauvaises et détourné du mal, est plus grand qu'on ne croit, et s'augmente tous les jours ; c'est que pour eux l'avenir n'est plus dans le vague ; ce n'est plus une simple espérance, c'est une vérité que l'on comprend, que l'on s'explique, quand on voit et qu'on entend ceux qui nous ont quittés se lamenter ou se féliciter de ce qu'ils ont fait sur la terre. Quiconque en est témoin se prend à réfléchir, et sent le besoin de se connaître, de se juger et de s'amender.

IX

Les adversaires du spiritisme n'ont pas manqué de s'armer contre lui de quelques divergences d'opinions sur certains points de la doctrine. Il n'est pas étonnant qu'au début d'une science, alors que les observations sont encore incomplètes, et que chacun l'envisage à son point de vue, des systèmes contradictoires aient pu se produire ; mais déjà les trois quarts de ces systèmes sont, aujourd'hui, tombés devant une étude plus approfondie, à commencer par celui qui attribuait toutes les communications à l'Esprit du mal, comme s'il eût été impossible à Dieu d'envoyer aux hommes de bons Esprits : doctrine absurde, parce qu'elle est démentie par les faits ; impie, parce qu'elle est la négation de la puissance et de la bonté du Créateur. Les Esprits nous ont toujours dit de ne pas nous inquiéter de ces divergences et que l'unité se ferait : or, l'unité s'est déjà faite sur la plupart des points, et les divergences tendent chaque jour à s'effacer. A cette question : En attendant que l'unité se fasse, sur quoi l'homme impartial et désintéressé peut-il se baser pour porter un jugement ? Voici leur réponse :

« La lumière la plus pure n'est obscurcie par aucun nuage ; le diamant sans tache est celui qui a le plus de valeur ; jugez donc les Esprits à la pureté de leur enseignement. N'oubliez pas que parmi les Esprits il y en a qui n'ont point encore dépouillé les idées de la vie terrestre ; sachez les distinguer à leur langage ; jugez-les par l'ensemble de ce qu'ils vous disent ; voyez s'il y a enchaînement logique dans les idées ; si rien n'y décèle l'ignorance, l'orgueil, ou la malveillance ; en un mot, si leurs paroles sont toujours empreintes du cachet de sagesse qui décèle la véritable supériorité. Si votre monde était inaccessible à l'erreur, il serait parfait, et il est loin de là ; vous en êtes encore à apprendre à distinguer l'erreur de la vérité ; il vous faut les leçons de l'expérience pour exercer votre jugement et vous faire avancer. L'unité se fera du côté où le bien n'a jamais été mélangé au mal ; c'est de ce côté que les hommes se rallieront par la force des choses, car ils jugeront que là est la vérité.

Qu'importent, d'ailleurs, quelques dissidences, qui sont plus dans la forme que dans le fond ! Remarquez que les principes fondamentaux sont partout les mêmes et doivent vous unir dans une pensée commune : l'amour de Dieu et la pratique du bien. Quels que soient donc le mode de progression que l'on suppose ou les conditions normales de l'existence future, le but final est le même : faire le bien ; or, il n'y a pas deux manières de le faire. »

Si, parmi les adeptes du spiritisme, il en est qui diffèrent d'opinion sur quelques points de la théorie, tous s'accordent sur les points fondamentaux ; il y a donc unité, si ce n'est de la part de ceux, en très petit nombre, qui n'admettent pas encore l'intervention des Esprits dans les manifestations, et qui les attribuent, ou à des causes purement physiques, ce qui est contraire à cet axiome que : Tout effet intelligent doit avoir une cause intelligente ; ou au reflet de notre propre pensée, ce qui est démenti par les faits. Les autres points ne sont que secondaires et n'attaquent en rien les bases fondamentales. Il peut donc y avoir des écoles qui cherchent à s'éclairer sur les parties encore controversées de la science ; il ne doit pas y avoir de sectes rivales les unes des autres ; il n'y aurait antagonisme qu'entre ceux qui veulent le bien et ceux qui feraient ou voudraient le mal : or, il n'est pas un spirite sincère et pénétré des grandes maximes morales enseignées par les Esprits qui puisse vouloir le mal, ni souhaiter le mal de son prochain, sans distinction d'opinion. Si l'une d'elles est dans l'erreur, la lumière tôt ou tard se fera pour elle, si elle la cherche de bonne foi et sans prévention ; en attendant, toutes ont un lien commun qui doit les unir dans une même pensée ; toutes ont un même but ; peu importe donc la route, pourvu que cette route y conduise ; nulle ne doit s'imposer par la contrainte matérielle ou morale, et celle-là seule serait dans le faux qui jetterait l'anathème à l'autre, car elle agirait évidemment sous l'influence de mauvais Esprits. La raison doit être le suprême argument, et la modération assurera mieux le triomphe de la vérité que les diatribes envenimées par l'envie et la jalousie. Les bons Esprits ne prêchent que l'union et l'amour du prochain, et jamais une pensée malveillante ou contraire à la charité n'a pu venir d'une source pure. Ecoutons sur ce sujet, et pour terminer, les conseils de l'Esprit de saint Augustin.

« Assez longtemps, les hommes se sont entre-déchirés et renvoyé l'anathème au nom d'un Dieu de paix et de miséricorde, et Dieu s'offense d'un tel sacrilège. Le spiritisme est le lien qui les unira un jour, parce qu'il leur montrera où est la vérité et où est l'erreur ; mais il y aura longtemps encore des scribes et des pharisiens qui le dénieront, comme ils ont dénié le Christ. Voulez-vous donc savoir sous l'influence de quels Esprits sont les diverses sectes qui se partagent le monde ? Jugez-les à leurs oeuvres et à leurs principes. Jamais les bons Esprits n'ont été les instigateurs du mal ; jamais ils n'ont conseillé ni légitimé le meurtre et la violence ; jamais ils n'ont excité les haines des partis ni la soif des richesses et des honneurs, ni l'avidité des biens de la terre ; ceux-là, seuls, qui sont bons, humains et bienveillants pour tout le monde, sont leurs préférés et sont aussi les préférés de Jésus, car ils suivent la route qu'il leur a montrée pour arriver à lui. »

SAINT AUGUSTIN.
 
Sous presse.
 y a entre cette doctrine de la réincarnation et celle de la métempsycose, telle que l'admettent certaines sectes, une différence caractéristique qui est expliquée dans la suite de l'ouvrage.
Le cep ci-dessus est le fac-similé de celui qui a été dessiné par les Esprits.
 Le texte placé entre guillemets à la suite des questions est la réponse même donnée par les Esprits. On a distingué par un autre caractère les remarques et développements ajoutés par l'auteur, lorsqu'il y aurait eu possibilité de les confondre avec le texte de la réponse. Quand ils forment des chapitres entiers, la confusion n'étant pas possible, on a conservé le caractère ordinaire. Ce principe explique le phénomène connu de tous les magnétiseurs et qui consiste à donner, par la volonté, à une substance quelconque, à l'eau, par exemple, des propriétés très diverses : un goût déterminé, et même les qualités actives d'autres substances. Puisqu'il n'y a qu'un élément primitif, et que les propriétés des différents corps ne sont que des modifications de cet élément, il en résulte que la substance la plus inoffensive a le même principe que la plus délétère. Ainsi l'eau, qui est formée d'une partie d'oxygène et de deux d'hydrogène, devient corrosive si l'on double la proportion d'oxygène. Une transformation analogue peut se produire par l'action magnétique dirigée par la volonté.
Voir, dans l'introduction, l'explication sur le mot âme, § II.
 Selon les Esprits, de tous les globes qui composent notre système planétaire, la Terre est un de ceux dont les habitants sont le moins avancés physiquement et moralement ; Mars lui serait encore inférieur et Jupiter de beaucoup supérieur à tous égards. Le Soleil ne serait point un monde habité par des êtres corporels, mais un lieu de rendez-vous des Esprits supérieurs, qui de là rayonnent par la pensée vers les autres mondes qu'ils dirigent par l'entremise d'Esprits moins élevés auxquels ils se transmettent par l'intermédiaire du fluide universel. Comme constitution physique, le soleil serait un foyer d'électricité. Tous les soleils sembleraient être dans une position identique.
Le volume et l'éloignement du soleil n'ont aucun rapport nécessaire avec le degré d'avancement des mondes, puisqu'il paraîtrait que Vénus serait plus avancée que la Terre, et Saturne moins que Jupiter.

Plusieurs Esprits qui ont animé des personnes connues sur la terre ont dit être réincarnés dans Jupiter, l'un des mondes les plus voisins de la perfection, et l'on a pu s'étonner de voir, dans ce globe si avancé, des hommes que l'opinion ne plaçait pas ici-bas sur la même ligne. Cela n'a rien qui doive surprendre, si l'on considère que certains Esprits habitant cette planète ont pu être envoyés sur la terre pour y remplir une mission qui, à nos yeux, ne les plaçait pas au premier rang ; secondement, qu'entre leur existence terrestre et celle dans Jupiter, ils ont pu en avoir d'intermédiaires dans lesquelles ils se sont améliorés ; troisièmement, enfin, que dans ce monde, comme dans le nôtre, il y a différents degrés de développement, et qu'entre ces degrés il peut y avoir la distance qui sépare chez nous le sauvage de l'homme civilisé. Ainsi, de ce que l'on habite Jupiter, il ne s'ensuit pas que l'on soit au niveau des êtres les plus avancés, pas plus qu'on n'est au niveau d'un savant de l'Institut, parce qu'on habite Paris.

Les conditions de longévité ne sont pas non plus partout les mêmes que sur la terre, et l'âge ne peut se comparer. Une personne décédée depuis quelques années, étant évoquée, dit être incarnée depuis six mois dans un monde dont le nom nous est inconnu. Interrogée sur l'âge qu'elle avait dans ce monde, elle répondit : «Je ne puis l'apprécier, parce que nous ne comptons pas comme vous ; ensuite le mode d'existence n'est plus le même ; on se développe ici bien plus promptement ; pourtant, quoiqu'il n'y ait que six de vos mois que j'y sois, je puis dire que, pour l'intelligence, j'ai trente ans de l'âge que j'avais sur la terre.»

Beaucoup de réponses analogues ont été faites par d'autres Esprits, et cela n'a rien d'invraisemblable. Ne voyons-nous pas sur la terre une foule d'animaux acquérir en quelques mois leur développement normal ? Pourquoi n'en serait-il pas de même de l'homme dans d'autres sphères ? Remarquons, en outre, que le développement acquis par l'homme sur la terre à l'âge de trente ans n'est peut-être qu'une sorte d'enfance, comparé à celui qu'il doit atteindre. C'est avoir la vue bien courte que de nous prendre en tout pour les types de la création, et c'est bien rabaisser la Divinité de croire qu'en dehors de nous il n'y ait rien qui lui soit possible.

Réponse donnée par l'Esprit de M. Monod, pasteur protestant de Paris, mort en avril 1856. La réponse précédente, n° 664, est de l'Esprit de saint Louis.

 

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