Author's Chapter Notes:
Le Ciel Antérieur (Tien Thien Co Ngau )
Le but ultime de la pratique religieuse du Caodaïsme est de pouvoir regagner, après la mort du corps physique, le Ciel Antérieur où demeure Dieu. Comment atteindre ce but ? Avant de répondre à cette question, il nous appartient tout d’abord, de bien connaître le Ciel Antérieur, lieu d’où nous venons, puis le trajet du voyage de retour à notre origine à partir du point de départ dans le Ciel Postérieur. Autrement dit, notre origine divine descend du monde invisible au monde matériel, visible, puis cherche à regagner le monde invisible après la mort du corps physique. Maintenant, nous essayons de comprendre ce que signifient la substance du Dao (la Voie) ou le Ciel Antérieur et son fonctionnement ou le Ciel Postérieur et la situation de l’être humain entre ces deux Cieux. Signalons que le Ciel Antérieur n’est effectivement antérieur que par rapport à sa manifestation ou Ciel Postérieur qui en quelque sorte, s’y superpose.
1. Le Ciel Antérieur (Tien Thien Co Ngau )
Le Ciel Antérieur est le Grand Néant (Vo Vi) et la substance du Dao (la Voie). Il représente le monde immatériel, invisible, omniprésent où demeure l’être Suprême, les Esprits supérieurs de Bouddha, d’Immortel, de Saint… C’est à partir du Ciel Antérieur que Dieu nous explique son apparition et la création du Ciel Postérieur matériel, visible.
Le Chaos Primordial représente une globalité imprenable, insituable, un état de confusion, de mélange, d’immensité dans lequel rien ne se distingue. Il n’y a ni origine, ni développement, ni expression, ni conservation. Pourtant, il contient potentiellement tout ce qui composera le Khi, les formes, le destin des êtres…. Tous ces « possibles » n’existent en lui qu’à l’état latent pour attendre la manifestation, la distinction et la séparation déclenchées par Dieu. Ainsi, dans le Chaos Primordial, existent déjà la concomitance de deux Khi ( Khi Hu Vo et Khi Hao Nhien qui nourrit le premier), l’indétermination de tous les temps et de tous les cycles, une puissance incommensurable et fondatrice, un sens de plan primordial lié aux sources mêmes de la vie dans sa globalité et son imprévisibilité. Dans cela,
tout existe simultanément et rien ne s’exprime séparément.
Cet espace primordial ou Vide Absolu (Vo Cuc), rempli de souffle cosmique du Ciel Antérieur (Khi Hong Mong, recèle déjà trois éléments suivants : Thai Cuc, Voie Universelle (Ly Thien Nhien) et Khi originel (Khi Tu Nhien). Ces trois éléments sont l’origine de la Grande Source de Lumière (Khoi Linh Quang) et celle du Am et du Duong.
À l’heure et au jour déterminé, l’explosion de cette Source de Lumière projeta une Grande Lumière Divine (Dai Linh Quang) et une quantité infinie de rayons lumineux qui éclairent l’univers. Cette Grande Lumière est Dieu, Être Suprême créateur de l’univers matériel, visible du Ciel Postérieur. Ainsi est né Dieu à partir du souffle cosmique du Néant (Khi Hu Vo, Hao Nhien) comme Dieu a confirmé :Le souffle cosmique du Grand Néant n’a créé que moi seul. De la Monade – Unité parfaite et Premier Principe Créateur - apparaît la dualité universelle ou le couple Am/Duong qui engendre la naissance de Mille Êtres et de Mille Formes comme Dieu dit dans un poème :
Je dois être en premier pour que la vie éclose.
Depuis lors, Dieu, tout comme un chef d’orchestre, met le silence en vibration et les cycles de la vie en mouvement. Par rapport au Ciel Postérieur, le Ciel Antérieur est la toile de fond primordiale, le plan créateur sans forme, un réservoir inépuisable des Lumières créatrice et vitale, non encore attribuées mais précurseures d’un être humain,
d’un animal. Entre ces deux Cieux, Dieu est axe et charnière,
point d’appui et racine qui font la vie de Mille êtres et de Mille Formes.
2. Le Ciel Postérieur (Hau Thien Co Ngau) ou le monde visible et matériel.
C’est à partir de Dieu que s’opère la division de l’immatériel et du matériel, du Am et du Duong qui se manifestent dans toutes les forces de l’univers.
De son point d’origine Thai Cuc, Dieu projette une Source de Lumière qui détermine le Am et le Duong, le Ciel et la Terre…et opère dans le Am ténébreux et dense pour donner naissance à Mille Êtres, Mille Formes, c'est-à-dire au monde matériel,
visible avec la manifestation de toutes les existences séparées que nous connaissons.
Le Ciel Postérieur est le monde des êtres différenciés et des formes innombrables.
Su Wen (chap. 8) dit : Le Am et le Duong sont les règles de l’univers, le fondement des êtres et des choses, l’origine de la mutation,
la raison de la vie et de la mort et le siège de la force vitale.
La philosophie orientale conçoit que l’univers est un tout et que ce tout est le résultat de l’unité contradictoire des deux principes, le Am et le Duong. En d’autres termes, le Am et le Duong sont à la fois antagonistes et complémentaires, existant en tout être, en toutes choses. Ils sont indissociables. L’un ne peut exister sans l’autre. Leurs interactions et leurs mouvements perpétuels sont à l’origine de la création et de la transformation permanente des êtres vivants dans l’univers. Su Wen (chap.5) résume cette fonction en disant : À l’origine de tous les êtres et de toutes les choses, existent deux forces opposées : le Am et le Duong.
Ce sont les interactions du Am et du Duong qui déterminent toutes
les transformations des êtres et des choses. 3.L’origine de l’être humain
L’agencement de la vie se fait sur terre par la confluence des Tinh originels issus de la Déesse Dieu Tri et transmis à la conception par les parents. Mais, la création de l’être humain se fait au Ciel Antérieur par la détermination de Dieu, car la rencontre de l’homme et de la femme implique au moment de l’émission fécondante, la descente et l’irruption du Chon Than et du Chon Linh émanés de Dieu. Par cette raison, Su Wen (chap.25)
dit : Ainsi l’homme naît de la terre, son destin lui vient du ciel.
La création de l’homme par Dieu passe donc par trois étapes qui se produisent instantanément. Chaque étape représente un des trois corps humains.
a) Le corps physique (xac pham)
Dans le Ciel Antérieur, l’interaction du couple Am/Duong représenté par Kim Mau et Moc Cong, donne naissance au couple Am/Duong du Ciel Postérieur matériel. Le dernier est reconnu sous forme de Nguon Tinh paternel (sperme) et de Am Tinh maternel (ovule)
dont l’union est l’origine du corps physique (Xac Pham).
L’origine de l’être humain débute à partir de la détermination du Tinh originel [1] qui, en provenant de la Déesse Dieu Tri, précède l’établissement de toutes les formes du corps dans le temps. Le chapitre 10 du Ling Shu explique : À l’origine de l’engendrement de l’être humain, il y a d’abord la détermination du Tinh (originel). Le foyer du Tinh originel se localise dans le «champ de cinabre inférieur » [2] et constitue la source ou le substrat de la forme corporelle et de la production du Khi. Autrement dit, la forme corporelle sort du Tinh originel et se complexifie dans l’espace comme l’image de la croissance d’un arbre que décrit Su Wen (chap. 67) : Les mouvements de la forme (Hinh)
et du Tinh sont liés comme le tronc et la racine le sont aux feuilles et aux branches.
Immédiatement après sa détermination qui se déclenche comme une étincelle de la vie, le Tinh originel donne la première forme (corporelle) comme Ling Shu (chap. 10) explique : À la détermination du Tinh succède l’engendrement du cerveau et de la moelle [3] . À cette étape, le Tinh originel provenant de la Déesse Dieu Tri, est la source de la vitalité transmise à la conception par les parents et nourri après par le Tinh acquis provenant des substrats absorbés par les parents dans l’air et les aliments. La rencontre de deux Tinh marque la conjonction des pouvoirs créateurs paternel et maternel et la confluence vers le corps physique, les originels divins : Chon Than et Chon Linh que nous exposons ci-dessous.
b) Induction du corps énergétique au corps physique
C’est au moment de la création du corps physique que Dieu attribue à chaque être né, son Duong originel (Chon Than ou souffle originel de Dieu) pour former le deuxième corps à caractère énergétique (Chon Than). Dès lors, le Chon Than circule partout dans le corps physique et permet au dernier de se mouvoir et de se manifester sous toutes les formes. Chon Than est le dynamisme et le mouvement de la vie même. Le centre de réunion du Chon Than est Ne Huon Cung au sommet de la tête[4]; sa porte d’entrée/sortie est le Mo Ac sur la fontanelle, là où est fréquemment posté le Détenteur des Lois Divines (Ho Phap). L’arrêt de la circulation du Chon Than signifie la mort du corps physique.
c) Le corps spirituel ou Chon Linh ou Nguon Than
En même temps de l’apparition du corps énergétique Chon Than, chaque être né reçoit de Dieu une étincelle de lumière sacrée (Diem Linh Quang ou Chon Linh) issue de la Grande Source de Lumière Sacrée (Dai Linh Quang[5]) qui donne le troisième corps (spirituel) et la vie à la personne née. Transmis par Dieu, Chon Linh donne à l’homme une impulsion particularisante, lui délivre la possibilité d’exister et d’exprimer dynamiquement ses particularités en rapport avec l’universel. Provenant de la même origine (Ciel Antérieur) que Dieu, Le Chon Linh est immortel, c'est-à-dire qu’après la mort du corps physique, au dépens de la pratique religieuse et de l’unification des Trois Trésors (Tinh, Khi, Than), il cherche à se réincarner dans un autre corps physique sur la terre pour s’instruire et se perfectionner afin d’évoluer ou bien à retourner à son origine divine. En fait ,
Dieu et Chon Linh font un tout indissociable.
En résumé, le Tinh est par lui-même à la fois indifférencié et sans dynamisme propre. Pour que la rencontre de deux Tinh paternel et maternel ait lieu, il faut la détermination de Dieu qui envoie Chon Than (Duong originel), présent un peu avant la conception. Chon Than est la force motrice émanant de Dieu qui anime la rencontre de deux Tinh. Il joue un rôle capital dans l’attraction et le rapprochement des parents et déclenche par la suite la rencontre de deux Tinh (ovule et sperme). Donc Chon Than est présent avant la conception et le promoteur de la rencontre de deux Tinh en passant par les étapes suivantes :
- Tinh paternel (spermatozoïde) et sang procréateur maternel (ovule) sont indifférenciés et sans dynamisme;
- Dieu attribue Chon Than qui anime les deux Tinh et en déclenche la rencontre procréatrice;
- À l’instant même de la procréation, Dieu attribue à chaque être un Chon Linh (Nguon Than) qui organise et coordonne la transformation, la croissance et l’expression de l’individu.
De cette conjonction originelle qui évoque le passage du Ciel Antérieur invisible au Ciel Postérieur matériel – de Dieu à l’être humain – découlera toute la structure corporelle, spirituelle de l’être et de son devenir. C’est la raison pour laquelle les Trois Trésors sont au centre de la pratique religieuse du Caodaïsme.
Enfin, la description de trois corps a pour but de situer l’être humain dans le décor de deux mondes : Le monde invisible, immatériel, divin (Ciel Antérieur) d’où il vient et le monde matériel, visible d’ici-bas (Ciel Postérieur) où il passe sa vie à s’instruire, évoluer, se perfectionner pour préparer le voyage de retour à son origine dans le Ciel Antérieur.
[1] Ou Tinh inné, invisible, céleste appartenant au Ciel Antérieur comme Su Wen (chap.5) précise : « Tinh appartient au ciel », ce qui veut dire que le Tinh originel appartient au Principe Créateur et a une nature céleste en regard de la forme matérielle.
[2] Le champ de cinabre inférieur est situé dans la région sous-ombilicale et interne, identifiée par ce point d’acupuncture : Khi Hai RM6.
[3] Les moelles épinières et osseuses n’ont de sens que du point de vue énergétique.
[4] Il se trouve sur le point d’acupuncture Bach Hoi qui signifie Cent Unions.
[5] Dai Linh Quang représente la Force Créatrice et Configuratrice universelle et individuelle.